Portable vissé dans une main, courrier dans l’autre, Lucie Basch pousse la porte des locaux parisiens de Too Good To Go, la célèbre application mobile qu'elle a co-fondée en 2016 et qui permet aux particuliers d’acheter les invendus alimentaires des commerçants à prix réduit. Perchée sur des bottines à talons, elle nous salue puis se faufile pour répondre aux sollicitations de l’une de ses collaboratrices. Quelques instants plus tard, elle réapparait dans une des salles de réunion où nous l’attendons. "J’ai un rendez-vous dans trente minutes", prévient la trentenaire dont l’emploi du temps est réglé comme du papier à musique.
Parisienne d’origine, Lucie Basch va vite. Et pour cause, à l’entendre, la chasse au gaspillage ne peut attendre. C’est en 2014 dans les usines Nestlé au Royaume-Uni que la jeune femme prend conscience de cette urgence. Fraîchement diplômée de l’Ecole centrale de Lille, l’ingénieure est embauchée pour améliorer la productivité des usines. Très vite, elle déchante en découvrant l’envers du décor. "Aujourd’hui, on jette 40 % de ce qu’on produit. La première fois que j’ai entendu ce chiffre, je n’y ai pas cru", se souvient la centralienne. Pas question d’alimenter ce système. En 2016, elle claque la porte de Nestlé et met le cap sur la Scandinavie avec l’idée de créer une solution anti-gaspi. "Il fallait que je fasse autre chose. J’ai fait ma crise de la quarantaine à 23 ans”, sourit-elle.
Optimiste dans l’âme
Là-bas, tout s’enchaîne rapidement. "Je rencontre les co-fondateurs de Too Good To Go. On monte le projet au Danemark et en Norvège, puis je rentre en France en avril 2016 pour lancer l’application à Paris et à Lille”, raconte la cheffe d’entreprise. Les débuts ne sont pas si faciles. Il faut convaincre les petits commerçants de rejoindre la plateforme. Une première épreuve qui n’effraie pas cette optimiste dans l’âme. "Je vois les difficultés comme des opportunités d’apprendre”, confie-t-elle.
A force de persévérance, et de kilomètres parcourus à vélo, l’ingénieure tisse sa toile. Sept ans plus tard, celle-ci dépasse même les frontières. Présente dans 17 pays, dont l’Europe et les Etats-Unis, l'appli compte aujourd’hui 70 millions d’utilisateurs dans le monde. "Notre ambition est de créer un mouvement mondial de lutte contre le gaspillage alimentaire", martèle la dirigeante qui a vécu deux ans à New York pour ouvrir de nouveaux bureaux.
Cet article est extrait de notre dossier spécial : "Sciences, politique, entrepreneuriat...ces femmes veulent changer le monde". A découvrir ici !
Une ambition sans borne
"J’ai passé mon temps dans les avions. J’ai ruiné mon empreinte carbone pour le restant de ma vie”, rougit-elle. Partie à la conquête du monde, Lucie Basch n’en oublie pas pour autant son objectif premier : celui de sauver des repas. C’est presque devenu un rituel. Tous les matins, avec ses équipes, elle scrute les derniers chiffres. "Nous allons bientôt avoir sauvé plus 200 millions de repas dans le monde", relève-t-elle.
“Engagée”, comme aime la qualifier l’une de ses collaboratrices, la présidente ne compte pas s’arrêter là dans sa croisade. "Même si on sauve trois repas par seconde, c’est une goutte d’eau dans l’océan", reconnait la jeune femme. Pour avoir davantage d’impact, elle souhaite changer les mentalités à travers de multiples actions. Parmi celles-ci, on retient le réseau anti-gaspi dans les écoles ou encore le pacte sur les dates limites de consommation. L’objectif ? Aider les consommateurs à faire la différence entre les DLC (date limite de consommation ou "à consommer jusqu’au") et les DDM (date de durabilité minimale ou "à consommer de préférence avant le"). En novembre 2022, Too Good To Go a également racheté Codabene, une entreprise française de la retail Tech, leader dans la gestion digitalisée des dates de péremption en magasin. Toutes ces initiatives font la fierté de la start-uppeuse.
Venir en aide au monde agricole
Si l’histoire de Too Good To Go est jalonnée de réussites, la start-up a également traversé quelques crises. En 2021, l’affaire Balance ta start-up avait notamment écorné l’image de l’entreprise. Plusieurs témoignages, dénonçant les conditions de travail au sein de la jeune pousse, avaient été relayés sur le page Instagram Balance ta start-up (près de 190 000 abonnés). "Ces six témoignages font forcément écho à des choses qui ont eu lieu”, admet Lucie Basch. "Nous en avons discuté avec les salariés présents et nous avons mis en place de nouveaux garde fous", conclut-elle.
Les yeux braqués vers l’avenir, la co-fondatrice raconte qu’elle a aujourd’hui envie de passer davantage de temps à aider le monde agricole. "On parle de souveraineté alimentaire mais les agriculteurs ne peuvent pas survivre. Nous avons aujourd’hui 27 fermes qui disparaissent tous les jours, faute de repreneurs”, s’indigne-t-elle avant d’indiquer que "C'est qui le Patron?!" vient de lancer un fonds de soutien aux producteurs. Une première brique dans le nouveau chantier que s’apprête à entamer cette entrepreneuse à “impact”.
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