Au Sénat, la délicate offensive de Yannick Jadot contre TotalEnergies

Régulièrement critique à l'égard de TotalEnergies, l'ex-candidat écologiste à la présidentielle Yannick Jadot continue de questionner les engagements climatiques de la multinationale française au Sénat, mais la commission d'enquête parlementaire qu'il pilote révèle des clivages politiques difficilement surmontables.

Après plusieurs mois de travaux, la commission d'enquête sénatoriale sur TotalEnergies entre dans sa phase ultime avec l'audition lundi du PDG du groupe pétrolier Patrick Pouyanné, l'une des dernières étapes avant la rédaction d'un rapport parlementaire ultrasensible.

A l'initiative de cette mission de contrôle dont il est le rapporteur, le nouveau sénateur de Paris Yannick Jadot espère que la haute assemblée "saura prendre des positions fortes vis-à-vis d'un grand groupe énergétique français dont personne ne nie qu'il s'affranchit de sa responsabilité climatique", explique-t-il à l'AFP.

De fait, le Sénat a récemment multiplié les commissions d'enquête au retentissement non négligeable dans la sphère publique, de l'affaire Benalla au Fonds Marianne en passant par l'influence du réseau social TikTok et ses liens avec la Chine. Avec à la clé un diagnostic parfois très critique et des propositions défendues par le Sénat de manière transpartisane.

Mais la commission d'enquête sur "les moyens mobilisables par l'Etat" pour "assurer le respect par TotalEnergies des obligations climatiques de la France" pourrait bien connaître un sort différent, tant les positions divergent au Sénat sur le sujet.

- Divergences -

La majorité sénatoriale, une alliance de la droite et du centre, n'a pas caché, en effet, sa circonspection devant le périmètre de cette mission parlementaire lancée par le groupe écologiste via son droit de tirage annuel.

Le sénateur et ancien secrétaire d'Etat Roger Karoutchi, désigné par le groupe Les Républicains pour présider l'instance, a d'ailleurs soulevé à plusieurs reprises durant les auditions un désaccord profond avec le rapporteur Yannick Jadot.

"Il y a toujours le problème de savoir ce que c'est d'accompagner une entreprise à l'international. Certains, dont moi, pensent que c'est le rôle du gouvernement que de la soutenir", a notamment estimé le sénateur des Hauts-de-Seine. "C'est le problème permanent entre nous, on y reviendra quand il s'agira de faire ce rapport."

Le risque semble donc réel pour que les divergences soient irréconciliables et empêchent l'adoption d'un rapport transpartisan à l'issue des travaux.

"Si M. Jadot souhaite que son rapport soit voté, je ne vois pas très bien ce qu'il pourrait y mettre", pointe la sénatrice LR Sophie Primas. Cette membre de la commission d'enquête se dit "dubitative" sur les conclusions à venir de cette mission, regrettant auprès de l'AFP "une forme d'obsession du rapporteur pour qui Total incarne le mal climatique absolu".

- Un passif -

Sollicités, plusieurs autres membres de la commission d'enquête ont préféré attendre la fin des auditions avant de s'exprimer.

"C'est un moment que le Sénat ne doit pas rater", répond pour sa part Yannick Jadot, qui conserve l'espoir que plusieurs propositions recueillent un large soutien, comme sur le devoir de vigilance européen qui impose aux entreprises de veiller au respect de l'environnement sous peine de sanctions; ou sur les "portes tournantes", ces aller-retours de hauts fonctionnaires ou dirigeants entre secteur public et privé.

La droite comme TotalEnergies n'ont pas manqué non plus de remettre en cause l'habilitation de l'ancien candidat à la présidentielle à mener une commission d'enquête visant un groupe qu'il a maintes fois critiqué publiquement. Il avait notamment accusé TotalEnergies de "complicité de crimes de guerre" en raison de la poursuite de son activité en Russie après l'invasion de l'Ukraine.

Le sénateur, attaqué en justice par la multinationale pour ces propos, attend son procès en diffamation qui doit se tenir d'ici la fin d'année. En attendant, il a été sommé par le comité de déontologie du Sénat de se déporter des questions relatives à la Russie lors de cette commission d'enquête, une requête qu'il a respectée malgré une "grande frustration", reconnaît-il.

"Mais ce n'est pas Jadot contre Pouyanné", évacue l'ancien eurodéputé. "Jadot et Pouyanné, ils vont disparaître, mais la question du climat et de notre souveraineté énergétique, elle, restera."

ama/hr/gvy

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