Sarah Laroussi, directrice générale du Comité national pour le développement du bois (CNDB).
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Biodiversité

"Une chose est certaine, le visage de nos forêts françaises va changer au fil des années"

Entretien avec Sarah Laroussi, directrice générale du Comité national pour le développement du bois (CNDB), association à but non lucratif qui promeut l’utilisation du bois et accompagne son développement. 

Les forêts, indispensables à la lutte contre le réchauffement en raison notamment de leur rôle de puit carbone, sont aujourd'hui grandement affectées par la sécheresse : en ce sens, le bois garde-t-il toute sa place dans la transition écologique ?  

Plusieurs données sont à prendre en compte quand on parle de sécheresse. Tout d’abord, tous les arbres ne sont pas impactés de la même façon. Certaines espèces forestières méditerranéennes par exemple sont en 2023 adaptées à certains massifs forestiers fortement impactées par la hausse des températures et la sécheresse. On ne l’aurait jamais imaginé il y’a une vingtaine d’années … 

Par ailleurs, en réponse au manque d'eau, les arbres déploient différentes stratégies de défense, par exemple en faisant sécher et tomber prématurément leurs feuilles. Cela réduit de fait les pertes en eau en limitant le phénomène d'évapotranspiration. Mais ce n’est valable que pour certaines espèces ou en s’enracinant profondément, certaines essences disposent d’éléments conducteurs de la sève plus résistants à l’apparition de bulles d’air dans la colonne d’eau. Ces adaptations permettent à l’arbre de maintenir une certaine ouverture des stomates mais elles se font au détriment de la croissance.  

Enfin en éliminant les arbres les plus vulnérables au profit des plus résistants (sélection naturelle). Ce qui à long et très long terme permet aux nouvelles générations de développer des particularités (taille, forme, enracinement) adaptées à cet environnement plus sec. Cependant ces mécanismes sont à une échelle de temps qui risque de ne pas être compatible avec la vitesse d’évolution du climat et donc des sécheresses. 

Une chose est certaine, le visage de nos forêts françaises va changer au fil des années. Le plus important aujourd’hui et pour demain, c’est de préserver et de gérer les forêts pour maintenir leur croissance et non les voir mourir. L’intervention des femmes et des hommes forestiers est en ce sens indispensable. 

Quels sont les atouts du bois ? Sa construction est-elle moins énergivore que d'autres matériaux par exemple ?  

En construction les atouts du bois sont nombreux. Par essence, le matériau bois est naturel et stocke le carbone comme nous venons de le voir. A poids égal le bois est six fois plus solide que le béton armé. Sa résistance mécanique est liée à la composition et au positionnement de ses fibres. Il présente également un ratio résistance mécanique/masse volumique très élevé. A résistance mécanique égale, le bois est le matériau de structure le plus léger. C’est une des raisons qui en fait le matériau le plus utilisé en surélévation entre autres sur des bâtiments anciens où l’ajout d’un ou de plusieurs étages en bois ne posera aucun problème quand la mise en œuvre est réalisée par des professionnels du bois compétents. Coté sismique, grâce à sa souplesse, le bois a une très bonne capacité à absorber les chocs. Les maisons traditionnelles japonaises en sont un parfait exemple. Enfin la rapidité et la propreté de chantier, grâce à la préfabrication en atelier, lui permettent de réduire drastiquement l’empreinte carbone d’un bâtiment. A tous ces atouts, on peut ajouter le confort et le bien-être que le bois procure à ses habitants en maison ou immeuble ou à ses usagers dans les bureaux, les restaurants, les lieux culturels, les équipements sportifs … 

 Qu'en est-il de sa fin de vie ?  

Les déchets bois du bâtiment constituent le premier gisement de déchets bois. Pour autant, les données statistiques disponibles ne permettent pas d’estimer les possibilités de développement du recyclage et de la valorisation énergétique de ces déchets. Dans ce contexte, les organisations professionnelles membres du CODIFAB (Comité de Développement Professionnel des Industries du Bois et de l’Ameublement) et de (France Bois Forêt) ont confié à FCBA et Xerfi Specific une étude visant à mieux connaître la gestion des produits de construction bois en fin de vie.  

Après enquêtes et analyses, le gisement total de déchets de bois représente en 2019, 2,3 millions de tonnes brutes provenant des chantiers de construction neuve, de rénovation, et de la démolition." 

Le taux de valorisation matière est de 44,5%, 42% de recyclage et 2,5% de réutilisation/ré-emploi, et le taux de valorisation énergétique égal à 48% (cimenteries comprises). Enfin, l’enfouissement concerne 7,5% des déchets de bois du bâtiment. 

 En France, comment sont gérées les forêts ? Qu'entend-on par "forêt gérée durablement" ? 

La politique forestière est mise en œuvre par le ministère de l’Agriculture et de la Souveraineté Alimentaire. Elle assure une gestion durable des forêts en conciliant les dimensions économique, environnementale et sociale des forêts. Pour valoriser le patrimoine forestier, notamment la ressource forestière en bois, tout en pérennisant et en assurant la multifonctionnalité des forêts, une attention particulière est accordée à la préservation de la biodiversité et des habitats, la qualité des sols et de l’eau, l’amélioration des capacités d’accueil du public, la protection contre les risques naturels, et la conservation de la qualité des paysages et des richesses culturelles. 

La mise en œuvre de cette politique a conduit à la définition de documents de gestion durable. Ces documents fixent les objectifs à atteindre pour concilier les enjeux économiques, sociétaux et environnementaux et listent les différentes interventions sylvicoles à envisager, notamment les coupes et travaux sylvicoles. La mise en œuvre de ces documents de gestion et des différentes interventions en forêts est opérée par les gestionnaires forestiers. Ces derniers accompagnent les propriétaires forestiers qu’ils soient privés ou publics et qui restent les seuls décisionnaires pour leurs forêts.  

En complément de la politique forestière nationale, les forestiers se sont investis pour développer les labels FSC et PEFC qui œuvrent à la mise sur les marchés de bois issus de la gestion durable des forêts. 

Meubles, papeterie, construction... Le bois est partout autour de nous au quotidien : ne coupe-t-on pas trop d'arbres pour répondre à ces besoins ?  

En moins de deux siècles, la surface de la forêt a quasiment doublé, passant de 8,9 millions d’hectares en 1840 à 17,1 millions d’hectares en 2022. Avec une gestion forestière adaptée, les arbres sont plantés ou se régénèrent en permanence. Le forestier ne prélève pas plus que ce que la forêt ne produit, nous pourrions même dire qu’il ne prélève pas assez puisque seulement 54% de l’accroissement naturel des forêts est prélevé chaque année. Il y a donc un potentiel de mobilisation de bois supplémentaire important à atteindre afin de répondre aux besoins en bois de la société et sans que cela n’impacte la surface forestière.  

Chaque fois qu’il coupe un arbre, le forestier favorise le développement de plusieurs autres, qui deviendront plus tard aussi grands, majestueux que leurs ancêtres et abriteront tout autant de biodiversité.

En plus de contribuer positivement à tous les défis de la transition écologique, la production de bois est une activité économique vertueuse. Elle fournit en effet un matériau renouvelable permettant de répondre aux besoins de la société en termes de construction, d’énergie, de papeterie, et bien d’autres domaines ! La filière forêt-bois se substitue à des modèles de développement à empreinte carbone bien plus élevée et emploie près de 400 000 personnes en France, avec des métiers et savoir-faire diversifiés. Les bénéfices sont donc nombreux. 

Pour le consommateur, quels sont les critères à prendre en compte lorsque l'on choisit son bois - pour se chauffer ou encore se meubler par exemple - ? Existe-t-il des labels ? Faut-il obligatoirement privilégier le bois français ?  

L’idée n’est bien sûr de discriminer aucun acte d’achat et le seul conseil que je souhaite partager est de privilégier la raison. En premier lieu, pour construire, améliorer son cadre de vie, aménager son environnement intérieur et extérieur, privilégiez un matériau le plus naturel et le moins impactant pour la planète possible. Une fois que ce premier principe est acquis, si le contexte géographique le permet et si l’usage s’y prête, on peut bien sûr privilégier un bois français. L’origine du bois ne doit pas être un critère déterminant. Sa gestion, la forêt dont il est issu, les phases de contrôle qui certifient que sa transformation a été réalisée de façon pérenne et raisonnée, sont à mon sens les seuls critères déterminants quand un consommateur doute entre choisir le matériau bois et choisir un autre matériau. 

Enfin, le secteur du bâtiment compte parmi les plus gros émetteurs de gaz à effet de serre : comment le bois peut-il le faire évoluer et quelle est sa place aujourd'hui dans ce secteur ? 

Le secteur du bâtiment est responsable de 30% des émissions de gaz à effet de serre. Il est aujourd’hui confronté à plusieurs défis : privilégier les matériaux biosourcés à faible impact environnemental pour toute nouvelle construction, travailler sur l’existant en rénovant nos habitats afin de les rendre plus efficients face aux changements climatiques et aux variations de températures, consommer plus raisonnablement avec frugalité et bon sens...Le bois possède pour chacun d’entre eux des atouts indéniables qui méritent d’être davantage partagés.  

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