La ZFE de la métropole grenobloise, qui concerne 13 communes sur 49, ne sera pas permanente.
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Environnement

ZFE: le gouvernement veut arrondir les angles, au risque de l'inefficacité

Le gouvernement cherche à désamorcer la "bombe sociale" des Zones à faibles émissions (ZFE), insistant sur le fait que la plupart n'auront pas à être renforcées. Mais ce discours est contre-productif, selon des élus et des associations écologistes.

La "précision" du ministère

Les ZFE doivent limiter progressivement l'accès aux villes des véhicules les plus âgés, notamment diesel, pour préserver la qualité de l'air. La loi qui crée les ZFE remonte à 2019 mais le débat sur leur mise en place est devenu explosif début 2023. Lundi, le ministre de la Transition écologique, Christophe Béchu, a voulu "préciser les règles applicables" et "tordre le cou à des rumeurs" et des "fake news" qui décrivent les ZFE comme des "zones à forte exclusion".

En pleine crise du pouvoir d'achat, les ZFE sont en effet devenues un symbole de l'exclusion des automobilistes les plus modestes, les véhicules moins polluants, hybrides et électriques, restant encore rares et chers sur le marché de l'occasion.

Plusieurs villes ont ainsi reporté la mise en place des ZFE. LR souhaite les aménager, le RN les supprimer. Christophe Béchu a donc cherché à rassurer: une grande majorité des métropoles n'aura pas besoin de rendre les ZFE plus sévères, a-t-il fait valoir. Et, selon lui, ces mesures ne concernent pas 13 millions d'automobilistes comme l'affirmait le sénateur Philippe Tabarot (LR) mais bien moins. "Le but de ces ZFE, ce n'est pas d'ennuyer les Français" ou de "fabriquer des +gilets jaunes+", "c'est d'agir sur le nombre de morts liées à la pollution atmosphérique", a insisté M. Béchu.

Paris, Lyon, Marseille

Sur les 42 agglomérations qui devaient créer une ZFE en France d'ici à 2025, seules 11 l'ont mise en place. M. Béchu a cependant annoncé lundi que les villes où la qualité de l'air est meilleure seraient désormais catégorisées "en zone de vigilance".

Il s'agit de 37 agglomérations (parmi lesquelles Nice, Bordeaux, Nantes, Rennes ou Dijon) qui doivent tout de même créer une ZFE. Mais elles n'auront à interdire que les voitures immatriculées avant 1997 (non classées), soit 326.000 véhicules en tout et pour tout.

Paris, Lyon, Aix-Marseille, Rouen et Strasbourg sont au contraire classées comme "territoires ZFE". Elles dépassent encore de manière régulière les seuils réglementaires de qualité de l'air (40 ?g de dioxyde d'azote - NO2 - par mètre cube d'air).

Le ministre (Christophe Béchu) donne l'impression de minorer l'urgence sanitaire. Il transmet un message contre-productif aux collectivités, qui vont abandonner leur calendrier, et aux citoyens, qui vont relâcher leurs efforts.

Ces cinq métropoles doivent ainsi continuer à appliquer progressivement les restrictions fixées par la loi: après les Crit'Air 5 en 2023, interdiction des Crit'Air 4 au 1er janvier 2024 (voitures diesel de plus de 18 ans), puis des Crit'Air 3 en 2025 (voitures diesel de plus de 14 ans et voitures essence de plus de 19 ans). Près de deux millions de véhicules ne pourront ainsi plus rouler dans ces cinq métropoles.

"Mauvais signal"

"Le ministre (Christophe Béchu) donne l'impression de minorer l'urgence sanitaire. Il transmet un message contre-productif aux collectivités, qui vont abandonner leur calendrier, et aux citoyens, qui vont relâcher leurs efforts", a réagi mardi auprès de l'AFP Tony Renucci, directeur de l'association Respire, "c'est un mauvais signal".

Les critères de pollution de l'air, fixés au niveau européen, risquent de se durcir, et les ZFE devront suivre, prévient M. Renucci. "Dans trois-quatre ans, peut-être après l'élection présidentielle, il va falloir reprendre des mesures", a-t-il averti.

Selon l'adjoint à la mairie de Paris David Belliard, "en reportant la ZFE, on ne fait pas un cadeau aux personnes pauvres". "Au contraire, on continue à les rendre malades de ces polluants qu'elles ne cessent de respirer", a-t-il souligné sur Twitter. "Nous perdons du temps, encore et encore!", a réagi le député communiste Fabien Roussel sur le réseau social.

Evolutions en septembre

Une fois les angles arrondis, le gouvernement doit présenter en septembre des évolutions pour rendre les ZFE plus "acceptables" pour tous, a indiqué Christophe Béchu.

Les parlementaires, élus locaux et associations ont multiplié les propositions au cours des derniers mois: doublement et simplification des aides à l'achat, dérogations pour les "petits rouleurs", évolution de la vignette Crit'air pour prendre en compte le niveau de pollution réel des véhicules, multiplication des véhicules légers et, globalement, un renforcement des alternatives de mobilité comme les bus et RER métropolitains, le vélo ou le covoiturage.

En septembre, l'idée sera d'abord de "limiter le reste à charge" pour les ménages qui veulent changer de voiture en travaillant notamment sur le montant des aides à l'achat, et leur fléchage sur les voitures d'occasion, a détaillé M. Béchu. La mise en place des contrôles automatiques est prévue pour la fin 2024. Le gouvernement planche, par ailleurs, depuis des mois sur une promesse de campagne d'Emmanuel Macron qui peine à se concrétiser : une voiture électrique à 100 euros par mois pour les ménages modestes.

Avec AFP.

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