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Finance durable

Préparer les assemblées générales: du dialogue au bras de fer entre investisseurs et entreprises

Le printemps, c'est aussi la saison des assemblées générales (AG), un rendez-vous incontournable pour les actionnaires qui veulent peser sur le fonctionnement d'une entreprise, et où presque tout se joue en amont par le dialogue actionnarial, qui peut s'avérer tendu.

Lors d'une AG, une entreprise propose à ses actionnaires de valider ou non les nominations au sein de son conseil d'administration, la rémunération des dirigeants ou d'autres décisions relatives à l'ADN de l'entreprise, comme une raison d'être ou des engagements climatiques. C'est donc une étape importante dans les démarches dites d'"engagement" de la part de certains actionnaires qui veulent faire bouger une entreprise. Les débats concernent des thématiques variées, mais le climat y occupe de plus en plus de place.

Si le dialogue entre actionnaires et direction a lieu tout au long de l'année, "le vote en AG est un levier pour l'améliorer et le rendre plus fructueux", estime Louise Schreiber, directrice de la recherche ESG pour les actions cotées chez Mirova, une société de gestion engagée dans la finance durable.

Concrètement, Mirova explique aux entreprises dès l'automne sa position face à leurs pratiques. Objectif : les prévenir que certaines résolutions ne passeront pas auprès de certains actionnaires et en discuter pour "faire bouger les lignes". "Si on est consulté au moment où les entreprises rédigent les résolutions, on peut influer sur leur rédaction", complète Coline Pavot, responsable de la recherche investissement responsable de La Financière de l'Echiquier.

Ceci concerne surtout des résolutions faciles à modifier par quelques détails, et exclut souvent les plans climat. Si une résolution ne correspond pas aux exigences d'un actionnaire, celui-ci peut tenter de la faire rejeter en votant contre. Cela implique de "s'opposer à la proposition du management, et peu d'investisseurs sont prêts à le faire", relève Agathe Masson, chargée de campagne engagement de l'ONG Reclaim Finance. Très critique envers le milieu financier, Reclaim Finance dénonce des conflits d'intérêt et un "manque d'ambition des investisseurs dans leur engagement actionnarial".

Les votes d'opposition existent néanmoins : en 2023, BNP Paribas AM en tant qu'actionnaire s'est opposé à 36 % des résolutions aux AG où il votait, Mirova à 30 % et le leader européen de la gestion d'actifs Amundi à 24 %. Mais de fait, parvenir à faire rejeter une résolution est rare. En France, la plupart des résolutions proposées par la direction de l'entreprise ont été votées avec plus de 95 % des voix.

Escalade et désinvestissement

Souvent, les actionnaires n'attendent pas l'AG pour manifester leur désaccord. En amont des AG, des agences de conseil en vote publient des recommandations à la demande d'investisseurs submergés par les milliers d'AG auxquelles ils doivent assister.

Informées des points de crispation, les entreprises peuvent alors faire appel à des agences qui les aident à mobiliser les actionnaires en vue de l'AG et à sonder au passage leurs intentions de vote. Les résultats des votes sont donc rarement des surprises pour les entreprises. D'autant plus que "la quasi-totalité des investisseurs institutionnels votent par correspondance et les sociétés reçoivent ces votes en amont de l'AG", explique Charles Pinel, directeur général de l'agence de conseil en vote Proxinvest. Cela peut "créer un biais car les autres actionnaires n'ont pas cette information", selon lui.

Dans le dialogue entre actionnaires et entreprises, il y a des étapes et des "mesures d'escalade", explique Michael Herskovich, le responsable gouvernance et engagement de BNP Paribas AM: d'une lettre à la société à l'ultime menace du désinvestissement, parfois décidé après des années de dialogue infructueux. Entre les deux, les investisseurs peuvent s'organiser en coalition d'actionnaires pour déposer leur propre résolution. Mais "aucune résolution d'actionnaires n'a jamais été adoptée en France, il y a vraiment un manque d'efficacité de ces types d'actions", pointe Agathe Masson, chez Reclaim Finance. "En France aujourd'hui, la démarche de dépôt de résolution est mal perçue par les entreprises", souligne Anne-Claire Imperiale, responsable durabilité chez Sycomore AM.

Pour Agathe Masson, "le levier d'action le plus efficace est de voter contre des résolutions proposées par le management". En 2023, des actionnaires ont demandé plus de précisions concernant les objectifs climatiques de TotalEnergies et Engie. Atos aussi a vu arriver une résolution d'un actionnaire demandant la révocation du président de son conseil d'administration.

Avec AFP.