Sébastien Bohler.
©Tony Trichanh
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Sébastien Bohler : ralentir, une volonté du cerveau

Pour ralentir, encore faut-il s’intéresser à notre cerveau pour savoir éviter ses mécanismes trompeurs. Comment outrepasser les pièges de l’immobilisme et de la surconsommation ? Sébastien Bohler, docteur en neurosciences et rédacteur en chef de la revue Cerveau & Psycho, nous plonge dans l’univers passionnant du fonctionnement cérébral.

Quel regard posez-vous sur la société d’aujourd’hui au rythme effréné ?

Le régime qui est le nôtre nous soumet à un rythme beaucoup trop rapide. Les études sur l’accélération sociale, numérique, la surcharge mentale, le démontrent. Le surgissement de la Covid a permis de nouvelles perspectives : les gens ont découvert ce que pouvait être une vie plus lente. Il faudrait nous extraire quelque peu de la Covid pour revenir à un état antérieur, savoir en tirer les leçons. Paradoxalement, une fois que le retour à une vie plus ou moins inchangée sera amorcé, il est fort probable que nous revenions à un rythme de consommation effréné qui détruit notre planète. De nouveau, nous renforcerons la croissance matérielle en consommant (courses, vêtements, etc.) Pour une courte sensation de plaisir, animée par le circuit de la récompense. Mais ce semblant de plaisir n’est que momentané. Les études montrent que, chaque fois que le cerveau est soumis au circuit de la récompense, il s’habitue, puis en demande davantage. Nous rebasculerons dans cette idéologie de croissance, une forme de productivisme, si rien de bien planifié, réfléchi, n’est fait.

Quelles peuvent être les conséquences de cette vie quotidienne, calquée sur un modèle de croissance et de vitesse ?

Face à la recherche de rentabilité, notre cortex cingulaire antérieur libère des molécules du stress. Le problème est que l’on s’accoutume au stress et qu’il agit sur cette partie de notre cerveau qui, lui, cherche la stabilité. Notre capacité au discernement, à la clarté, est mise à mal par ce stress. Il existe des moyens d’y remédier : nous pouvons effectuer une action à la fois pour éviter le  multitasking, le "multitâche",  qui  nous  soumet au stress. Le cerveau est difficilement capable de faire plusieurs choses simultanément. Nous pouvons cumuler une tâche, où nous sommes conscients de ce que nous faisons, avec une autre automatisée  (par exemple, regarder ses écrans en mangeant). Mais effectuer deux tâches qui requièrent notre attention consciente est impossible. Notre cortex préfrontal se charge de créer des listes d’attente de tâches plus urgentes que d’autres. Lorsqu’on souhaite accomplir plusieurs tâches en même temps, notre cerveau bascule de l’une à l’autre. Nous perdons en vitesse d’exécution, en attention. À l’arrivée, nous ressentons fatigue et stress.

Le cerveau humain ne peut accomplir des tâches, au-delà d’un certain rythme. Nous sommes déjà allés trop loin."

Faut-il entrer en résistance, alors qu’on s’approche des limites de l’accélération, de la vitesse ?

Lorsque nous parlons de charge mentale, de personnes qui se sentent aliénées au travail car elles ne trouvent plus leur place, il existe des limites. Le cerveau humain ne peut accomplir des tâches, au-delà d’un certain rythme. Nous sommes déjà allés trop loin. Qu’est-ce qui presse l’accélération ? Le numérique, sûrement, qui impose, par sa dynamique, d’être en constante réactivité. Le marché globalisé met en concurrence les différents services. La résistance est donc soit au niveau de l’individu, soit au niveau de l’entreprise. Les taux de burnout et de troubles d’anxiété dans la population sont trop importants pour qu’on imagine aller plus loin. Les limites, nous les avons déjà atteintes.

Ralentir peut paraître désagréable (...), c’est le risque de se retrouver face à soi-même."

C’est donc à chacun de trouver ses chemins de résistance subjective pour se tourner vers ce qui lui fait du bien, tout en ralentissant…

Il peut nous arriver de tomber dans nos propres pièges. Nous ancrons des habitudes sur le long terme, sans même réaliser que nous pouvons nous en défaire. Ralentir peut paraître désagréable. Il y a sûrement une "rééducation de l’existence" à opérer. Et si on se mettait à ne rien faire ? En fonction des personnalités, certaines personnes y trouveront plus de facilité, tandis que d’autres moins. Parce que ralentir, c’est le risque de se retrouver face à soi-même.

Il existe aussi ces moments que l’on croit neutres ou perdus, mais c’est mieux que ça !

C’est le réseau de mode par défaut, un ensemble d’aires cérébrales qui s’activent... quand on ne fait rien. C’est ce réseau neuronal qui nous permet de rêvasser, de vagabonder mentalement. Il est indispensable pour se sentir exister en tant que soi à la première personne. Quand on est tout le temps accaparé par des tâches du quotidien, nous empêchons ce réseau de s’éveiller. Dans les moments où nous n’avons rien pour nous occuper, nous vivons notre résurgence comme quelque chose de désagréable ou d’importun, et nous cherchons à l’éteindre. 

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