Les militants Greenpeace sensibilisent les supporters de Rugby aux abords des matchs.
©DR/Greenpeace
Société

Coupe du monde de rugby : avec TotalEnergies comme sponsor, les organisateurs "complices de greenwashing"

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Au lancement de la Coupe du monde de rugby 2023 en France, Greenpeace a publié une vidéo dénonçant le sponsor officiel de l'événement : le géant français des combustibles fossiles TotalEnergies. Pour l'ONG, l'entreprise cherche à "verdir" son image en s'associant à un "événement sportif populaire". Entretien avec Edina Ifticène, chargée de campagne énergies fossiles pour Greenpeace France. 

Quelle est l'action menée par Greenpeace en marge de cette Coupe du monde ? Que dénoncez-vous ? 

Nous avons publié une vidéo - avec la voix off de Guillaume Meurice - qui révèle que dans le monde, "l'industrie des énergies fossiles dans son ensemble produit assez de pétrole pour remplir un stade comme le Stade de France toutes les 3 heures et 37 minutes". Nous dénonçons le sponsoring de TotalEnergies, qui cherche à "verdir" son image alors que ses activités sont basées sur un modèle économique climaticide. Dans le même temps, les organisateurs de cette Coupe du monde sont complices et offrent à travers ce sponsoring une vitrine importante pour le greenwashing de TotalEnergies. 

En quoi ce type de sponsors peut poser problème sur les grandes manifestations sportives de ce genre ?

Pour le cas de TotalEnergies, nous considérons que l'industrie des énergies fossiles, responsable de la crise climatique et qui poursuit une logique d'expansion en développant de nouveaux projets à travers le monde, n'a pas sa place parmi les sponsors officiels de la Coupe du monde de rugby. Plus largement, nous considérons qu'en étant associées à de grands événements sportifs et populaires, ces entreprises cherchent à "verdir" leur image alors que dans les faits, elles détruisent la planète et nous mènent vers le chaos climatique. Il faut aussi rappeler qu'aujourd'hui, les énergies fossiles tuent plus que le tabac : tout comme l'industrie du tabac, celle des énergies fossiles ne peut donc être considérées comme un sponsor ordinaire. 

L'effervescence propre à l'atmosphère des matchs n'empêche pas les supporters de se sentir concernés par les impacts du changement climatique. Le jour du coup d'envoi de la compétition, la France traversait une vague de chaleur intense et tardive."

Les militants Greenpeace sont également mobilisés dans les villes hôtes avant les matchs pour sensibiliser les supporters... 

Avec cette mobilisation, nous cherchons à la fois à dialoguer, mais aussi à surprendre là où l'on n'est pas forcément attendu : ces rencontres ont donné lieu à des échanges constructifs. Par ailleurs, l'effervescence propre à l'atmosphère des matchs n'empêche pas les supporters de se sentir dans l'ensemble concernés par les impacts du changement climatique dans nos vies quotidiennes. Pour rappel, le jour du coup d'envoi de la compétition au Stade de France, le pays traversait une vague de chaleur intense et tardive. On comprend bien que ce type d'événements climatiques extrêmes va se multiplier mais aussi s'intensifier dans les prochaines années, avec un impact terrible sur tous les secteurs, y compris le sport

TotalEnergies devient un sponsor de plus en plus encombrant et mal aimé."

Peut-on citer des engagements qui ont pu être pris par certains organisateurs d'événements sportifs quant au choix des sponsors ? 

Pour les Jeux olympiques 2024 par exemple, nous avons accueilli comme une bonne nouvelle le fait que TotalEnergies ne fasse pas partie de la liste des sponsors : c'est un signal important qui montre que le débat avance. Au-delà des organisateurs, nous avons noté que plusieurs villes hôtes de la Coupe du monde de rugby (Nantes, Paris, Lyon, Lille, Bordeaux) ont décidé d'exclure TotalEnergies des lieux d'accueil des publics comme les fan zones. Enfin, certaines personnalités ou anciens joueurs se sont exprimés sur le sujet et ont pris position à l'encontre de l'industrie fossile comme l'Australien David Pocock ou le Français Clément Castets. Cela prouve que TotalEnergies devient un sponsor de plus en plus encombrant et mal aimé. 

Globalement, que peut-on dire des émissions de gaz à effet de serre liées aux organisations de grandes compétitions sportives ? Quelles peuvent-être les solutions pour freiner le phénomène ? 

C'est un enjeu de taille pour les années à venir. Les politiques publiques et les instances organisatrices de ces événements doivent enclencher une dynamique pour trouver des solutions et des alternatives que ce soit sur la question du sponsoring, mais aussi des transports, des infrastructures... Personne n'a de solution clé en main, mais débattre de ces questions est aujourd'hui nécessaire. 

La compensation carbone est une illusion, voire une diversion et une forme de greenwashing."

Certains misent notamment sur des dispositifs de compensation carbone. Qu'en pensez-vous ? 

De l'avis de la communauté scientifique, il est vital d'organiser au plus vite une sortie des énergies fossiles afin d'endiguer l'emballement climatique. En 2021, l'AIE l'a dit sans détour : il faut renoncer à tout nouveau projet d'extraction fossile. Or, toutes les majors pétro-gazière font l'inverse : elles refusent de changer de business model car cette activité leur rapporte gros - en 2022, TotalEnergies a annoncé des profits records. Pour diminuer drastiquement et rapidement nos émissions, nous n'avons d'autres choix que de réduire la production fossile à la source et développer les renouvelables, investir dans des mesures d'économies d'énergie - comme la rénovation des bâtiments par exemple. En ce sens, la compensation carbone passe totalement à côté du sujet puisqu'elle vise au contraire à maintenir une croissance des émissions de gaz à effet de serre. On ne sauvera pas le climat en plantant des arbres, d'autant qu'on déforeste massivement en parallèle aux quatre coins du globe. La compensation carbone est une illusion, voire une diversion et une forme de greenwashing

Enfin, que répondez-vous à TotalEnergies qui communique beaucoup sur son "virage vert" et dit se tourner de plus en plus vers les renouvelables ? 

C'est une vitrine qui vise là encore à masquer les activités réelles de TotalEnergies et à faire passer la major pétro-gazière pour un acteur de la transition énergétique, ce qu'elle n'est pas du tout dans les faits. Elle vient d'ailleurs d'annoncer son intention "d'augmenter sa production d'hydrocarbures de 2 à 3 % par an sur les cinq prochaines années". Nous avons d'ailleurs publié un rapport qui démontrait qu'en 2022, moins de 1 % de la production énergétique de l'entreprise était issue de sources d'énergies renouvelables et que 88 % de ses investissements étaient toujours fléchés vers les énergies fossiles... 

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