La mairie de Paris entend baisser la vitesse sur le périphérique parisien d'ici fin 2024.
© THOMAS COEX/AFP
Société

"La pollution de l'air tue prématurément 1 700 personnes à Paris chaque année"

La municipalité parisienne a annoncé son intention de réduire la vitesse du périphérique à 50 km/h pour combattre la pollution atmosphérique et sonore. Une initiative qui fait face à des résistances de la part du gouvernement. Alors qu'un bras de fer s'engage, ID questionne les implications écologiques de cette mesure.

En novembre dernier, lors de la présentation du nouveau plan climat 2024-2030, la mairie de Paris a dévoilé son projet de transformation du périphérique. L'initiative prévoit la réduction de la vitesse de circulation de 70 à 50 km/h, ainsi que la création d'une voie dédiée aux transports en commun et au covoiturage. L'objectif ? Combattre la pollution atmosphérique et sonore. Toutefois, le gouvernement s'est opposé à cette mesure, jugée "prématurée" par Clément Beaune, ministre des Transports, qui préconise une concertation à l'échelle régionale sur le sujet. Alors que la mairie maintient sa position, un bras de fer semble s'engager entre la capitale et le gouvernement, offrant l'opportunité à ID de revenir sur les implications écologiques de cette mesure controversée.

Pour ID, Antoine Trouche, ingénieur et communicant chez AirParif, association agréée par le ministère de l'Environnement pour la surveillance de la qualité de l'air en Île-de-France, revient sur l'impact potentiel de cette mesure sur la qualité de l'air à Paris.

Les partisans de la mesure estiment que la réduction de la vitesse sur le périphérique améliorera la qualité de l’air. À l'inverse, ses détracteurs affirment que cette initiative, associée à la création d'une voie réservée au covoiturage, intensifiera les embouteillages et entraînera une augmentation de la pollution atmosphérique. Au milieu de ces arguments contradictoires, il devient complexe de déterminer si, dans l'ensemble, ces mesures auront un impact positif sur la qualité de l’air. Pouvez-vous vous nous éclairer ? 

La réduction de la vitesse sur le périphérique ne conduit pas automatiquement à une diminution ou à une augmentation de la pollution atmosphérique. Pour que cette baisse de vitesse ait un effet positif sur la qualité de l'air, deux facteurs sont à prendre en compte. D'une part, l'influence de cette mesure sur la fluidité de la circulation, et d'autre part, son impact sur le nombre de véhicules en déplacement.

Il est aussi important de souligner que cette mesure vise non seulement à améliorer la qualité de l'air, mais aussi à réduire les émissions de gaz à effet de serre, le bruit, et, bien que cela ne soit pas explicitement mentionné, l'accidentologie.

En ce qui concerne la circulation, cette mesure peut entraîner soit une intensification des embouteillages, et par conséquent une concentration plus élevée de polluants atmosphériques qui est nettement supérieure dans les embouteillages que dans une circulation fluide, soit une fluidification de la circulation. À ce stade, il est difficile de déterminer avec certitude les effets que cela aurait sur la circulation du périphérique ; les modélisations laissent entrevoir la possibilité de générer plus d'embouteillages à certains endroits tout en favorisant la fluidité du trafic à d'autres. Il est également essentiel de noter que la vitesse moyenne de circulation actuelle sur le périphérique en journée est d'environ 55 km/h, et non pas 70 km/h.

D'autre part, l'impact sur le nombre de véhicules en circulation jouera également un rôle déterminant. Si l’abaissement de la vitesse ou la création d’une voie de covoiturage dissuade les individus de prendre leur voiture au profit des transports en commun ou du covoiturage, cela contribuera à améliorer la qualité de l'air. Néanmoins, l'estimation de l'impact sur le nombre de véhicules en circulation demeure complexe, étant donné qu'elle se produira probablement de manière progressive et n'aura probablement pas d'effet immédiat le jour même de la mise en place des mesures. Plus cette politique permettra de retirer de véhicules de la circulation, plus elle aura un impact positif, car les transports en commun émettent beaucoup moins de polluants atmosphériques que les véhicules particuliers, et le trafic s'en trouvera davantage fluide.

Au cours des dix dernières années, des observations montrent une diminution significative des niveaux de pollution de l'air à proximité du périphérique.

Il est aussi important de souligner que cette mesure vise non seulement à améliorer la qualité de l'air, mais aussi à réduire les émissions de gaz à effet de serre, le bruit, et, bien que cela ne soit pas explicitement mentionné, l'accidentologie. Sur tous ces autres aspects, l'impact positif est plus facile à affirmer. Selon les informations de BruitParif, cette mesure devrait entraîner une amélioration de la réduction du niveau sonore le long du périphérique allant jusqu’à 3 décibels. Pour diminuer les accidents de la route, la baisse de la vitesse de circulation semble faire consensus, et bien que l'impact sur la qualité de l'air soit difficile à quantifier à l'avance, les politiques publiques d’abaissement de la vitesse de circulation du périphérique de ces deux dernières décennies ont déjà montré une réduction des niveaux de pollution atmosphérique.

Effectivement, ce n'est pas la première fois que la vitesse est réduite sur le périphérique, elle est déjà passée de 90 à 80 km/h en 1993, puis à 70 km/h en 2014. Concrètement, qu’est-ce qu’on sait de l’impact de ces mesures sur la qualité de l’air ?

Bien que nous disposions de données sur l'évolution de la qualité de l’air aux abords du périphérique, il est difficile de déterminer spécifiquement l'impact de la réduction de la vitesse. En effet, une diminution de la vitesse s'accompagne généralement d'autres changements qui contribuent également à modifier la qualité de l'air. Par exemple, il y a souvent un renouvellement tendanciel des véhicules anciens par des modèles plus récents, ce qui a un impact significatif. De plus, au cours de la même période, l'introduction d'une zone à faible émission et le développement des alternatives de transports en commun ont par ailleurs influencé la qualité de l'air. Ainsi, il est difficile d'attribuer exclusivement les changements constatés à la baisse de la vitesse.

Cependant, au cours des dix dernières années, des observations montrent une diminution significative des niveaux de pollution de l'air à proximité du périphérique. Les concentrations moyennes de dioxyde d'azote ont baissé de 35 %, tandis que les concentrations moyennes de particules fines ont diminué de 25 %. Un autre chiffre important, moins connu, révèle qu'au cours de la même période, le nombre de kilomètres parcourus en moyenne sur le périphérique a chuté d'environ 20 %. Il serait excessif d'attribuer exclusivement ces changements à la baisse de la vitesse de circulation, mais il est probable qu'elle ait contribué à ces résultats encourageants.

Pourquoi la nécessité de combattre la pollution atmosphérique en région parisienne est-elle si pressante ? 

La pollution de l'air tue prématurément 1 700 personnes dans Paris intra-muros chaque année. 1700 décès, c’est l'équivalent de 8 mois de perte d'espérance de vie par adulte, l’impact est encore plus important pour les individus ayant des fragilités respiratoires et cardio-vasculaires. Ces décès pourraient être évités en ramenant les niveaux de pollution de l'air sous les seuils recommandés par l'OMS, seuils largement dépassés en Île-de-France.

En particulier, les niveaux de pollution de l'air les plus élevés de la région sont enregistrés à proximité du périphérique, à une distance allant jusqu’à 200 mètres de la voie de circulation. Un constat peu étonnant quand l’on sait que c’est l'un des axes les plus denses d’Europe. Les quelque 10 000 personnes qui vivent à proximité du périphérique respirent quotidiennement des niveaux de pollution de l'air tellement élevés qu'ils dépassent les valeurs limites réglementaires, seuils fixés par la France en matière de qualité de l’air

Cette réalité a conduit la France à être condamnée par la Cour de Justice de l'Union Européenne et le Conseil d'État. Il est impératif de prendre des mesures pour éviter de nouvelles condamnations en réduisant les niveaux de pollution. Notons également que les valeurs réglementaires font l'objet de débats, avec un récent vote au Parlement européen indiquant la volonté de diviser par deux un certain nombre de ces limites d'ici 2030 avec la volonté de les approcher des recommandations de l’OMS sans pour autant s’y aligner complètement.

En analysant les mesures nécessaires pour respecter ces recommandations, il devient évident qu'elles nécessitent, en partie, des actions drastiques visant à réduire significativement les émissions du trafic routier. À titre d'exemple, pour se conformer aux futures valeurs limites réglementaires concernant les oxydes d'azote dans l'ensemble de la métropole du Grand Paris d'ici 2030, il serait nécessaire, en plus des initiatives actuelles (telles que l'électrification du parc automobile et les efforts supplémentaires liés aux émissions de chauffage ainsi qu'à la rénovation thermique des bâtiments), de réduire nos émissions d'oxyde d'azote de 80 %. Cela équivaudrait à l'élimination totale des véhicules diesel dans la métropole du Grand Paris à cette échéance.

Un constat qui souligne l'effort considérable nécessaire pour respecter ces futurs objectifs, qui, je tiens à le préciser, ne permettraient toujours pas d'éviter la totalité des 1 700 décès prématurés, mais contribueraient significativement à les réduire.

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