Les pratiques ancestrales, à l'image du chamanisme, connaissent un regain d'intérêt.
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Société

Du culte de Gaïa aux retraites chamaniques, pourquoi les nouvelles spiritualités séduisent

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Chamanisme, druidisme, éco-spiritualité...de nouvelles croyances fleurissent à la lueur de la crise écologique. Dans "Les Nouvelles routes du soi", le journaliste Marc Bonomelli, spécialisé dans les mouvements spirituels contemporains, s'intéresse à cette nébuleuse de pratiques, aux frontières parfois floues, qui prônent la quête de soi et la reconnexion au vivant. Interview. 

Depuis quelques années, et plus encore depuis la crise du Covid, les chamanes, sorcières ou encore druides font leur grand retour. Sur les réseaux sociaux, les comptes dédiés à ces néo-spiritualités pullulent. Cet engouement pour ces croyances ancestrales est aussi palpable dans les librairies où les ouvrages consacrés à l’ésotérisme connaissent un succès grandissant. En 2020, le syndicat national de l’édition (SNE) avait constaté une croissance de 13 % de ce secteur, en termes de chiffre d’affaires des éditeurs.

Pour tenter de mieux appréhender ces pratiques "qui poussent comme des champignons magiques", le journaliste Marc Bonomelli est parti à la rencontre des adeptes de ces spiritualités alternatives, du désert de l’Atlas aux forêts de Bretagne en passant par les tours de La Défense. Mêlant expériences personnelles, témoignages et entretiens avec des chercheurs en sciences sociales, son enquête brosse les contours de "nouveaux territoires intérieurs", encore "mal dessinés", mais qui témoignent d’une profonde quête de sens. Entretien avec l’auteur des Nouvelles routes du soi

Néo-chamanisme, néo-druidisme...de nouvelles spiritualités voient le jour depuis quelques années. Comment expliquez-vous l’émergence de ces croyances ? 

"Les Nouvelles routes du soi", de Marc Bonomelli.
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Ces néo-spiritualités ne sont pas nouvelles. Ces pratiques sont apparues dans les années 60 avec la mouvance New Age. Aujourd’hui, elles connaissent un regain d’intérêt sous l’influence des réseaux sociaux qui redorent au passage leur image. De manière plus globale, on observe depuis plusieurs années un affaiblissement des religions institutionnelles traditionnelles, plus particulièrement en Occident, mais aussi une fatigue par rapport à un matérialisme pur et dur. Tout cela conduit de plus en plus de personnes à chercher une autre voie. L’état d’incertitude permanent dans lequel est plongé notre société, à l’heure de la prise de conscience autour du changement climatique, pousse également certains à se tourner vers une forme de spiritualité pour reconnecter à la nature. 

Dans votre livre, vous consacrez plusieurs pages à l’écospiritualité. Comment définir ce mouvement ? 

C’est un concept assez difficile à cerner car il revêt plusieurs formes. On parle de l’hypothèse Gaïa, ou encore de la "deep ecology", une doctrine formulée par le Norvégien Arne Næss dans les années 1970. Celle-ci critique l’idée d’une écologie qui considère la nature uniquement comme un réservoir de ressources pour l'homme. De manière plus générale, l’approche écospirituelle affirme que la spiritualité devrait être à l’écologie ce que l’âme serait au corps. 

Comment sont accueillis ces nouveaux discours ?  

En France, il y a une méfiance instinctive. On redoute les dérives sectaires qui peuvent exister dans certaines communautés. Malgré ces réticences, des personnalités, issues notamment de l’écologie politique, ne vont pas hésiter à afficher publiquement leur ouverture pour ces croyances. La candidate à la primaire des écologistes Sandrine Rousseau avait par exemple expliqué à Charlie Hebdo qu’elle préférait "des femmes qui jettent des sorts plutôt que des hommes qui construisent des EPR". Dans un autre registre, le roi Charles III est très porté sur l’ésotérisme et ne cache pas son soutien pour la biodynamie. Par ailleurs, dans le milieu militant, les nouvelles spiritualités trouvent peu à peu leur place. Le mouvement de désobéissance civile Extinction Rebellion a ouvert il y a un an une branche spirituelle en France. 

Vous expliquez que l’on assiste à une spiritualisation de l’écologie mais aussi à une écologisation de la religion. Comment cela se manifeste-t-il ? 

Depuis 2015, et le Laudato Si’ du pape François, un virage écologique s’opère dans le christianisme. Certains vont par exemple réinterpréter les textes. L’écothéologien Michel Maxime Egger propose une relecture des écrits bibliques qui soit moins "humano-centrée”.

Ce nouvel état d’esprit écospirituel peut aussi remettre au goût du jour des enseignements que l’on avait oublié."

Au début de la Bible, il est par exemple indiqué que Dieu a placé l’homme dans le jardin d’Eden pour qu’il le cultive. A la lumière de l’écologie, ce passage prend une autre dimension.

Certains chrétiens vont également mettre en avant des figures comme Saint-François d’Assise qui parlait aux oiseaux ou encore Hildegarde de Bingen, qui peignait ses visions du "Christ cosmique" et soignait avec les plantes et les cristaux. Ils s’appuient également sur les Pères de l’Église chez qui la parole de Dieu s’incarne dans le Christ mais aussi dans le cosmos.

Si l'écologie occupe une place de plus en plus prépondérante dans la religion chrétienne, elle infuse également peu à peu dans les autres monothéismes, notamment chez les musulmans soufistes."

J’ai passé plusieurs semaines en Andalousie dans une communauté qui mettait l’accent sur la permaculture et le retour à des méthodes ancestrales pour cultiver la terre. Des conférences étaient également organisées sur le vivant.  

Peut-on dire que nous sommes à l’aube d’une "nouvelle religion" ? 

Je pense que ce que l’on appelle spiritualité aujourd’hui pourrait en effet être une religion. Malgré des pratiques très hétérogènes, ces nouvelles croyances s’appuient sur un ensemble de principes communs, à savoir l’intérêt pour une vie intérieure, un soi authentique qui va nous guider dans nos décisions. Les nouveaux spirituels vont refuser les dogmes et tout ce qui peut être imposé par une institution pour privilégier la connexion à soi et à l’univers. 

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