Sébastien Mabile, avocat au cabinet Seattle Avocats, spécialisé dans le droit pénal de l'environnement et le devoir de vigilance.
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Société

Sébastien Mabile : un avocat sur tous les fronts pour défendre le climat

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Avocat spécialisé en droit pénal de l'environnement et devoir de vigilance, Sébastien Mabile jongle entre sa profession et son engagement pour l'écologie. Tout-terrain, il multiplie les actions pour mobiliser les consciences afin de surmonter collectivement la crise climatique en cours. 

Sébastien Mabile n'a pas toujours revêtu la toge d'avocat. Encore étudiant, il passe par la case militantisme dans les années 1990, c'est là que démarre son engagement en faveur de l'environnement. Alors qu'un projet de tunnel transfrontalier entre la France et l'Espagne prend place en Vallée d'Aspe (Pyrénées-Atlantiques) en 1995, il s'oppose aux côtés d'autres associations et des milliers de personnes convergeant vers ce qu'on appellerait aujourd'hui une ZAD. Il se souvient de la vive opposition et des affrontements violents qui éclataient avec les forces de l'ordre. Ce premier fait d'armes lui a coûté son souhait de devenir diplomate européen aux Affaires Étrangères. Condamné à passer quelques temps derrière les barreaux avec sursis et des travaux d'intérêt général par le tribunal correctionnel de Pau, il a dû dire au revoir à la fonction publique. Son choix d'orientation vers le droit lui est venu du film Erin Brockovich, seule contre tous. Un signe avant-coureur de sa défense du droit de l'environnement. 

Trente ans plus tard, on retrouve Sébastien Mabile dans les tribunaux, à plaider cette fois-ci. Toujours engagé, jamais partisan, l'avocat refuse l'étiquette de militant et a sa mécanique bien huilée pour intégrer ses convictions personnelles à sa profession.

Un diptyque avocat et écolo

D'abord docteur en droit public, le naufrage en 1999 du pétrolier Érika, affrété par Total, au large du Finistère et de la Charente-Maritime l'a fait bifurquer en 2012 vers le droit pénal de l'environnement alors qu'il représentait trois collectivités dont la ville de Saint-Nazaire.

Son domaine de prédilection : le devoir de vigilance. Le juriste parvient à mettre en demeure Casino en 2020 pour son manquement à ses engagements RSE en raison de sa contribution à la déforestation en Amazonie. Un an plus tard, son cabinet obtenait du Tribunal Judiciaire de Nanterre la reconnaissance du caractère civil du devoir de vigilance, alors que TotalEnergies jugeait invalide la compétence du juge civil, préférant le droit commercial. Cette décision judiciaire incombée au pétrolier a été prise dans le cadre d'un recours en défaillance du plan de vigilance du groupe par cinq ONGs et de 14 collectivités territoriales. 

"Vu la situation actuelle et les scénarios envisagés, tout le monde est obligé de se questionner sur sa contribution à l'atténuation de la catastrophe en cours, y compris les avocats."

Au regard de l'urgence climatique, il insiste sur l'importance du droit comme un levier essentiel dans la transformation de la société. "Vu la situation actuelle et les scénarios envisagés, tout le monde est obligé de se questionner sur sa contribution à l'atténuation de la catastrophe en cours, y compris les avocats." 

"J'ai préféré dire tout haut ce que je pense"

Afin de joindre ses principes personnels à sa carrière professionnelle, il préfère l'expression publique pour ne pas tomber dans des conflits de valeurs et des contradictions hasardeuses. "J'ai préféré dire tout haut ce que je pense", ce qu'on lui a parfois reproché, confie-t-il. "C'est comme ça que je peux exercer de manière la plus alignée avec mes engagements et avoir une clientèle qui partage mes convictions".

Et pour preuve, il représente de nombreux parcs nationaux dont les Calanques (Bouches-du-Rhône) et Amazonia (Guyane), ainsi que des ONGs. Ce qui ne l'empêche pas moins de défendre des entreprises privées, ni même du CAC40 "avec des gens à l'intérieur également convaincus de la nécessité du changement de manière à assurer une meilleure protection de l'environnement et des communs". Sa ligne de crête : utiliser les instruments juridiques pour empêcher les multinationales et gouvernements de nuire au vivant et les contraindre à réparer. 

Pour assumer dûment son dévouement à l'environnement, il n'hésite pas à l'afficher sur (ex-Twitter). A coups de retweets, de threads, d'interpellations, sans être virulent, Sébastien Mobile alerte sur les enjeux de la crise écologique et sociale en cours. "J'ai bien conscience du fait que ce n'est qu'un grain de sable dans un désert", rigole-t-il modestement, "mais c'est aussi comme ça que j'arrive à surmonter mon éco-anxiété".

À consulter son fil Twitter, impossible de s'y méprendre : l'avocat est engagé mais refuse toujours de se voir assigner des procès en militantisme. Placarder fièrement son intérêt pour la lutte écologique et sociale, le bon filon pour rassembler une clientèle qui lui ressemble. 

Pour la préservation du vivant

Et parce que le juriste n'intègre pas ses convictions écologiques uniquement dans son travail, Sébastien Mabile le déploie dans d'autres aspects de son quotidien ; il le dit lui-même, il cherche à multiplier les activités. Alors, en 2021, le magistrat quitte Paris pour Arles, en Camargue, "un choix qui a du sens", ne supportant plus de "parler d'écologie depuis un appartement parisien". "Le défenseur amoureux de la planète" ressentait le besoin de se reconnecter à l'environnement, et même "d'expérimenter quelque chose de plus résilient". Le voilà "dans une région où se posent aujourd'hui des problématiques qui se poseront demain ailleurs".

Le bilan de ces deux années déjà passées dans une réserve de biosphère camarguaise et site Natura 2000 : "Je suis très heureux mais plus alarmé". Sa robe d'avocat ne le quittant jamais vraiment, il est témoin "des pratiques agricoles ahurissantes et de la dévastation de la biodiversité" causée par la riziculture en conventionnel à proximité. Surtout, "le non-respect des normes juridiques et l'absence total de contrôle" le consterne. Au contraire, lui, accompagne l'installation d'un jeune maraîcher bio pour que s'érige un hectare, un "oasis de biodiversité" au milieu des cultures conventionnelles. 

Sébastien Mabile ne chôme pas : ancrant encore davantage son engagement écologiste dans le territoire camarguais, et se voulant acteur de la transition, avec Sofian Boutabaa, ancien coiffeur-coloriste à Paris, il a fondé l'association d'agroécologie, le Mas Baudran en janvier dernier. Début 2024, se tiendra dans la maison une résidence artistique du climat et du vivant. En effectuant toujours un aller-retour avec ses actions contentieuses parallèles, ce défenseur du climat cherche à "créer un lieu rassemblant des personnes de différentes disciplines et univers".

Le principe : "On sélectionne un sujet avec une ONG qui porte un plaidoyer dessus. On propose à un artiste de venir en résidence. Enfin, à travers un colloque organisé avec l'université d'Aix-Marseille et des échanges entre scientifiques, juristes et associations, on documente le processus d'acculturation de l'artiste à la problématique". À l'issue de cette résidence longue de plusieurs mois, ce dernier produit une oeuvre servant les revendications de l'association. L'avocat tout-terrain, pleinement inscrit dans l'action climatique donc, parvient à faire dialoguer les sphères intellectuelles afin de sensibiliser le grand public aux enjeux environnementaux.

Alertant sur la nécessité de la déplastification, toujours dans le prolongement d'un procès contre la multinationale Danone, la première saison se fait en association avec Surfrider, pendant six mois, afin de "prendre le temps d'explorer toutes les dimensions du sujet", souligne-t-il. 

L'appel à résidence a été lancé lors du festival Agir pour le Vivant, débuté le 22 août dernier à Arles (Bouches-du-Rhône). Le projet, quant à lui se tiendra à partir de janvier 2024 dans la villa arlésienne du Mas Baudran. 

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