Ultra-trail: Claire Bannwarth, lièvre et tortue à la fois

"Ma montre connectée me dit souvent de faire une pause". Phénomène atypique de l'ultra-trail, la Française Claire Bannwarth passe le plus clair de son temps à courir, "lentement", et la plupart de ses congés à remporter les courses les plus dures du monde.

Sur les sentiers, elle est surnommée "Lapin Duduracell", clin d'oeil à la mascotte de piles à l'énergie supposément inépuisable. "Disons que si on me propose de choisir entre un jogging de trois heures et une raclette, j'enfile mon short", dit-elle en riant.

Âgé de 35 ans, cette Chalonaise timide aux cheveux bruns, résidant depuis plusieurs années dans le Haut-Rhin, est un ovni, même au coeur de l'extraordinaire galaxie de l'ultrafond.

En 2023, elle a terminé près de 30 courses de plus de 160 km, environ une toutes les deux semaines. "J'adore les compétitions car je peux faire les trois choses que j'aime le plus : courir, écouter de la musique et manger", lâche-t-elle en toute simplicité.

La distance parcourue en un an par Bannwarth, analyste à plein temps pour une compagnie d'assurance, pourrait donner le vertige à un coureur kényan : 12.000 km - 12 fois la France du nord au sud - dont 6.500 en course, selon son application de running.

- Eloge de la lenteur -

"Je dépasse très rarement les 5 minutes au kilomètre (12 km/h). Par contre je peux tenir longtemps, j'aime aller lentement et je ne vois jamais le temps passer lors d'une sortie", dit Bannwarth.

Lors de l'effroyable Spine Race, ultramarathon de 431 kilomètres et 11.000 mètres de dénivelé au Royaume-Uni, la trentenaire, victorieuse en 2023 et 2024, affirme n'avoir "pas dormi" pendant les quatre jours de course.

"Cela ne m'a pas plus embêté que ça: je ne souffre pas trop du manque de sommeil. Il y a des moments où tu entres dans un état second, tu te prends des tempêtes de neige, du -20°C, mais tu ne ressens plus la douleur et tu planes. C'est génial", rigole-t-elle.

Son idole, l'Américaine et triple vainqueur de l'UTMB Courtney Dauwalter, déclare avoir des hallucinations colorées au bout de l'effort. Bannwarth elle, demeure "plus terre à terre": "seuls les grosses pierres et les arbres deviennent des gens immobiles".

Sans coach, elle assure ne pas suivre de programme d'entraînement spécifique, mais a ajouté à ses sorties quotidiennes des séances de vélo et de montées de marche en salle de sport pour mieux supporter les pentes extrêmes.

"Je cours depuis plus de 20 ans et je suis rarement blessée. Mais la seule fois où j'ai eu un claquage, c'est quand j'ai essayé d'aller vite. Ce n'est pas pour moi", estime-t-elle.

- "Jamais sans ma musique" -

Escrimeuse en équipe de France à l'adolescence, elle a baissé les armes après son école d'ingénieurs, à son entrée dans la vie active à Paris, et enfilé ses baskets. "Pour aller au boulot, c'était 1 heure de métro ou 1h30 de jogging", se souvient Bannwarth.

"Le choix a été vite fait", précise celle qui, encore aujourd'hui, continue d'aller au travail quotidiennement à environ 20 km de chez elle à Huningue en courant le long du canal d'Alsace.

La championne a découvert la longue distance à l'âge de 25 ans, lorsqu'elle a bouclé son premier marathon, avant d'augmenter la distance mois après mois "étant donné que ça passait".

Dix ans plus tard, elle espère enchaîner l'UTMB (171 km, 10.000 m de dénivelé), la Swiss Peaks 170 (170 km, 11.500 m de dénivelé) et le Tor des Géants (330 km, 24.000 m de dénivelé) en deux semaines seulement entre fin-août et début septembre.

"C'est agréable car je n'ai plus l'appréhension de ne pas finir une course. Je ne me lasse jamais tant que j'ai ma musique avec moi", assure cette fan d'électro et de métal.

Pour le moment, elle ne souhaite pas lever le pied et rêve de participer à l'illustre Barkley, défi d'ultra-trail disputé dans une forêt inhospitalière du Tennessee (Etats-Unis).

"Si je pouvais faire du trail à temps plein, je le ferais, mais il y a encore peu d'argent dans ce milieu. Financièrement, je suis perdante, mais tant quand que j'arrive à courir, je continuerai", promet-elle.

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