Accès aux origines: ces Français qui plébiscitent les tests ADN, toujours interdits

"C'est une quête existentielle": des associations plaident pour la légalisation des tests ADN, utilisés par de nombreux Français pour remonter le fil de leur origine, en particulier par des personnes nées sous X ou d'un don de gamète anonyme.

La France figure parmi les rares pays qui interdisent les tests ADN dits "à visée récréative", qui permettent de connaître ses origines. Bien que les principales entreprises qui les commercialisent (23andMe, Ancestry, Family Tree et My Heritage) ne livrent plus dans l'Hexagone, il reste relativement facile de s'en procurer.

On estime que des dizaines de milliers de Français font ainsi décrypter leur ADN chaque année, par simple curiosité ou pour tenter de compléter leur arbre généalogique.

"Peu importe la législation, on le fait quand même car ça relève de notre intimité", explique Timothée Marteau, vice-président de PMAnonyme, association qui représente des adultes issus d'un don anonyme de gamètes. Il a pu identifier son géniteur de cette manière.

Lors d'un test, l'utilisateur découvre en ligne les profils des personnes avec lesquelles il partage de l'ADN, déjà testées par l'entreprise. Lorsqu'on cherche un père ou une mère biologique, il faut parvenir à reconstruire son arbre généalogique, à partir de ces cousins génétiques.

- "Parcours du combattant" -

"C'est comme résoudre un puzzle, parfois on dispose de pièces proches qui s'assemblent, parfois de pièces isolées qu'on ne sait pas à quoi raccrocher...", explique à l'AFP Nathalie Jovanovic-Floricourt, spécialiste de la généalogie génétique, qui propose des formations en ligne. Pour ceux qui s'y lancent, dit-elle, c'est "une quête existentielle".

Les recherches sont plus ou moins faciles selon le degré de parenté partagé avec les personnes trouvées.

Née d'un don de spermatozoïde anonyme, Béatrice, 36 ans, a cherché son géniteur par curiosité, pendant plusieurs années, à partir d'un test ADN.

Elle a finalement obtenu son identité via la Capadd, une commission créée en 2022 pour permettre aux personnes issues de dons de gamètes de connaître leur origine: "J'y étais presque!", témoigne cette infirmière, qui a ainsi "complété" son "histoire".

Un organisme similaire mène des recherches pour les personnes nées sous X. Depuis sa création en 2002, le Cnaop a pu communiquer l'identité de la mère de naissance à 4.000 demandeurs, sur quelque 13.000 requêtes.

"Souvent, il n'y a pas grand chose dans les dossiers et pour avancer, on est obligé d'effectuer un test ADN", déplore Erik Pilardeau, co-fondateur du collectif "Nés sous X", qui réclame leur légalisation et un accompagnement dans leur utilisation. "Sans ce test, je n'aurais jamais trouvé".

Ce retraité a d'abord découvert un frère biologique, ainsi que 1.500 autres correspondances. Appels, recherches dans les archives publiques, consultation de documents officiels: il a identifié leurs parents biologiques après un "parcours du combattant" et se sent aujourd'hui "apaisé".

- Données sensibles -

"Plus on connaît son histoire complète, mieux c'est", indique à l'AFP la députée Géraldine Bannier (Les Démocrates). "Il faut légiférer de manière radicale pour reconnaître le droit d'accès aux origines". Elle a ainsi déposé fin mars une proposition de résolution qui appelle le gouvernement à autoriser l'utilisation des tests ADN récréatifs.

En 2018, le Comité national d'éthique s'était prononcé "en faveur d'une certaine ouverture" vis-à-vis de ces tests, rappelle à l'AFP son président, Jean-François Delfraissy. "Nous allons travailler à nouveau sur le sujet dans les prochains mois".

En 2020, lors de la révision de la loi de bioéthique, les parlementaires ont toutefois préféré maintenir leur interdiction, en raison notamment d'incertitudes concernant la fiabilité des résultats et du risque de "révélations inattendues au sein des familles".

La Commission nationale informatique et liberté (Cnil) a elle pointé l'an dernier le "peu de garanties" sur la sécurité des données et leur risque de "compromission".

23andMe a notamment subi un piratage qui avait affecté les données de millions de clients. Cette société américaine a déposé le bilan fin mars et cherche un repreneur. Certains s'inquiètent du devenir des données des utilisateurs, mais ceux qui défendent l'accès aux tests voient l'opportunité de créer un acteur européen dans le secteur.

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