Agriculture: la loi d'orientation arrive enfin au Sénat, juste avant le Salon

Près d'un an après son dépôt par le gouvernement Attal, le projet de loi d'orientation agricole arrive mardi soir dans l'hémicycle du Sénat, qui s'apprête à muscler ce texte très attendu par le secteur mais dénoncé par la gauche, à quelques jours du Salon de l'agriculture.

Adopté à l'Assemblée nationale au début du printemps 2024, suspendu par la dissolution puis reporté par la censure, ce texte revient enfin au Parlement, porté par Annie Genevard.

Issue des Républicains, la ministre de l'Agriculture partage nombre de points communs avec la vision des sénateurs, dominés par une alliance droite-centristes.

De quoi laisser présager une adoption confortable de ce texte programmatique, qui balaye nombre de sujets, de l'enseignement à la formation en passant par le dossier crucial de la transmission des exploitations.

Les débats à la chambre haute, qui s'étireront jusqu'au vote solennel du 18 février, raviveront néanmoins les clivages, avec une gauche vigoureusement opposée à un texte qui incarne, selon elle, des "reculs" sur la question environnementale.

L'examen se déroule de surcroît dans un contexte tendu par la remise en cause, parfois violente, de certains établissements publics, notamment l'Office français de la biodiversité (OFB), ciblé par des agriculteurs qui fulminent face aux "normes" et "entraves" administratives.

Mme Genevard réfute cette interprétation. "Ma conviction profonde est qu'opposer environnement et agriculture constitue une impasse", a-t-elle encore assuré ces derniers jours devant les sénateurs, à quelques jours du Salon de l'agriculture, qui cristallisera à Paris toutes les revendications du métier, à partir du 22 février.

- "Intérêt général majeur" et "non-régression" -

"Les agriculteurs ont besoin de ce texte à l'approche du Salon", martèle auprès de l'AFP le centriste Franck Menonville, l'un des deux rapporteurs du projet de loi. Ce dernier appelle la Haute assemblée à "éviter les caricatures" en votant pour "réarmer juridiquement la notion de souveraineté alimentaire".

C'est en effet le coeur de cette loi d'orientation, qui élève l'agriculture au rang "d'intérêt général majeur" dans son article inaugural. En commission, le Sénat a maintenu cette notion tout en allant plus loin, érigeant notamment la "souveraineté alimentaire" en "intérêt fondamental de la Nation".

Le Sénat a également institué un principe décrié de "non-régression de la souveraineté alimentaire". La portée juridique de cette disposition, qui fait volontairement écho au principe de "non-régression environnementale" déjà existant, interroge ses détracteurs.

"Quand on a fait ça sur l'environnement, on disait que ça n'aurait aucun impact et on a vu que ça a été l'inverse. Pourquoi cela ne marcherait-il pas?", balaye Laurent Duplomb (LR), l'autre rapporteur du texte.

Si la notion n'a pas convaincu le gouvernement qui tentera de la faire supprimer, M. Duplomb assume une version sénatoriale plus "ambitieuse", susceptible, selon lui, de répondre au "manque de courage politique" du texte initial, qui "évitait tous les sujets qui fâchent".

- Volontariat agricole -

Cette démarche ulcère la gauche, qui s'alarme d'un "durcissement" et d'une "radicalisation" du débat public sur l'agriculture, selon l'écologiste Daniel Salmon. "La droite estime qu'il n'y a qu'un modèle qui est le bon, celui d'une souveraineté alimentaire réécrite à la sauce libérale", déplore-t-il.

La droite sénatoriale a déjà remporté un succès ces derniers jours sur ce volet, en faisant adopter à la chambre haute, avec l'appui du gouvernement, un texte plus sensible encore sur la levée des "barrières" à la profession, avec la réintroduction notable de certains pesticides.

Parmi ses autres dispositions, la loi d'orientation prévoit la création d'un "Bachelor Agro", un diplôme de bac+3 censé faire référence à l'avenir. Les sénateurs proposent également de créer un "volontariat agricole" dans le cadre du service civique.

La création d'un guichet unique départemental, censé favoriser les installations et transmissions d'exploitations, est également au coeur du projet.

L'alliance syndicale majoritaire FNSEA-JA a appelé ces derniers jours les sénateurs à "concrétiser l'ambition" en faveur du renouvellement des générations, regrettant certains freins à la transmission dans le texte, tout en saluant des "avancées significatives" comme le renforcement du service de remplacement ou la mise en place d'une "aide au passage de relais", dont l'objectif est d'offrir une sortie digne à des agriculteurs désespérés.

Le texte entend aussi accélérer les procédures de contentieux en cas de recours contre des stockages d'eau ou des bâtiments d'élevage, et propose d'aménager les sanctions en cas d'atteintes à l'environnement non-intentionnelles.