Agriculture: le Sénat dépénalise certaines atteintes environnementales

Le Sénat a nettement élargi mardi un dispositif visant à dépénaliser certaines atteintes des agriculteurs à l'environnement, une mesure perçue comme une réponse à la colère du secteur, vivement dénoncée par la gauche.

Une amende administrative en lieu et place d'une procédure pénale jugée stigmatisante par certains agriculteurs: dans un climat de défiance vis-à-vis de l'Office de la biodiversité, la chambre haute a approuvé l'une des dispositions les plus irritantes du projet de loi d'orientation agricole.

A l'initiative de l'alliance droite-centristes majoritaire, les sénateurs ont remodelé le régime de répression de certaines atteintes à l'environnement (habitats naturels, espèces protégées, sites d'intérêt géologique...).

Ils prônent un régime administratif de sanction avec une amende pouvant aller jusqu'à 450 euros, au lieu de la peine maximale de trois ans d'emprisonnement et 150.000 euros d'amende prévue par le code de l'environnement.

Cet aménagement des sanctions concernerait uniquement les infractions "non-intentionnelles" et exclurait les cas de "négligence grave". Mais il est associé à un dispositif de "présomption de non-intentionnalité" pour certaines activités, jugé très inquiétant par la gauche de l'hémicycle.

L'objectif du Sénat, "ramener du bon sens et de la réalité" au quantum des peines, s'est justifié Vincent Louault (Horizons).

Cette mesure va beaucoup plus loin que le dispositif adopté en première lecture à l'Assemblée, qui se bornait à insérer une notion d'intentionnalité dans certaines infractions. La gauche, minoritaire, s'est montrée hostile, dénonçant "une offensive contre le droit de l'environnement".

Le socialiste Michaël Weber a craint que le mécanisme encourage "le contournement des sanctions", quand l'écologiste Yannick Jadot a fustigé "un négationnisme de l'effondrement de la biodiversité", s'attirant les protestations de la droite et de la ministre de l'Agriculture Annie Genevard (LR).

Cette dernière a défendu l'ambition gouvernementale de "reconnaître un droit à l'erreur" pour les agriculteurs, susceptible "d'apporter une réponse de terrain à des situations mal vécues" lors de contrôles.

Elle s'est néanmoins opposée à la rédaction élargie du Sénat estimant la version de l'Assemblée, "plus cohérente et sécurisée juridiquement".

- Salon à l'horizon -

Un autre débat passionné s'est tenu sur la question sensible des haies, avec l'adoption d'un article-clé censé créer un cadre réglementaire simplifié pour les agriculteurs, notamment pour des opérations impliquant la destruction d'une haie.

"J'ai l'impression qu'on va mettre en place quand même un monstre", a piqué Vincent Louault, ne souhaitant pas soutenir l'article.

Le gouvernement a tenté sans succès d'assouplir le délai imposé à l'administration pour rendre un avis, les écologistes essayant aussi en vain de faire remonter le montant d'une amende prévue par le texte. A l'inverse les sénateurs ont adopté des amendements pour élargir certaines conditions permettant la destruction d'une haie.

Contre l'avis du gouvernement les sénateurs ont également maintenu un article prévoyant d'exclure les bâtiments agricoles du décompte de l'artificialisation des sols, alors que la droite multiplie les offensives contre le dispositif "zéro artificialisation nette" (ZAN).

En soutien au projet "Agoralim" de création de plateformes logistiques dans le Val d'Oise, réponse à la saturation anticipée du marché de Rungis, les sénateurs ont adopté un amendement pour étendre jusqu'en 2068 (contre 2049) une mission de service publique confiée à Semmaris, autorité gestionnaire de Rungis, "pour permettre l'amortissement des investissements".

Le gouvernement a lui fait adopter un amendement prévoyant un "cahier des charges" encadrant ces investissements.

Députés et sénateurs devront se mettre d'accord sur un texte de compromis dans les prochains jours, alors que le gouvernement aimerait une adoption définitive du projet de loi à temps pour le Salon de l'agriculture qui s'ouvre le 22 février.