"Nous aurions tort d'avoir raison trop tôt", résume le PDG d'Airbus Guillaume Faury. Mais malgré le retard annoncé, le géant européen maintient le cap sur l'avion à hydrogène 100% électrique qu'il espère désormais concevoir entre 2040 et 2045.
Une maquette de cet avion, ZeroE, et un modèle de réservoir pour stocker de l'hydrogène liquide ont été présentés parmi les dernières innovations cette semaine dans le cadre de l'Airbus summit sur l'avenir de l'aviation, rendez-vous annuel du géant européen, plus avancé que Boeing et Embraer dans la recherche sur l'hydrogène avec l'ambition d'industrialiser cette solution pour les avions commerciaux.
La disponibilité de l'hydrogène décarboné à bon prix n'est pas imminente, les aéroports ne sont pas équipés,le cadre réglementaire est inexistant: initialement prévu à horizon de 2035, l'avion prendra de 5 à 10 ans de plus pour voir le jour.
Respecter le délai initial reviendrait à "avoir une sorte de Concorde", avion supersonique lancé en 1976 et dont la fin a été décidée en 2003 en raison de coûts d'exploitation extrêmement élevés, a expliqué le patron d'Airbus Guillaume Faury à Toulouse devant plusieurs centaines de spécialistes, observateurs, journalistes du monde entier.
- "Rendre l'impossible possible" -
Pourtant sa "conviction personnelle" reste intacte: c'est bien l'avion à hydrogène qui incarne la nouvelle révolution dans l'aviation dont le but est de décarboner, plus que les carburants durables (SAF) déjà utilisés qui ne sont qu'une solution d'"optimisation".
"On aurait tort d'avoir raison trop tôt: si on développait un avion à hydrogène aujourd'hui, il ne serait pas très compétitif", a-t-il déclaré dans une interview à l'AFP.
Pour Julie Kitcher, directrice pour le développement durable d'Airbus, l'objectif est de "montrer que ce que certains considèrent impossible est possible".
"Il faudra travailler profondément sur l'écosystème (distribution, stockage de l'hydrogène à des températures cryogéniques) et pourquoi pas réfléchir sur ce que va devenir l'aéroport de demain. Cela pourrait devenir un +Energy hub+ qui produirait son propre hydrogène vert!", déclare-t-elle à l'AFP.
Côté technologies, cela avance, mais nécessite plusieurs améliorations.
Après avoir exploré ces cinq dernières années plusieurs concepts de propulsion à hydrogène, Airbus a sélectionné celui "à pile à combustible" et les systèmes de stockage et de distribution d'hydrogène liquide dont l'intégration dans l'avion permettrait d'offrir un avion "entièrement électrique", a précisé Glenn Llewellyn, responsable du projet ZeroE.
Ces piles à combustible et le réservoir d'hydrogène formeraient une sorte de batterie qui fournirait de l'électricité aux moteurs électriques.
Un tel avion "n'émettrait ni CO2 ni oxydes d'azote pendant le vol et aurait ainsi l'impact environnemental le plus bas de tous les systèmes de propulsion à ce jour", souligne-t-il.
Des réservoirs cryogéniques ont été désormais construits et tout au long de 2025 le système de distribution et de stockage d'hydrogène liquide sera testé sur un banc d'essai.
D'ici à 2027, l'objectif est de tester "l'ensemble du système de bout en bout", selon Glenn Llewellyn.
- Plus légers, plus compacts -
Les systèmes sont perfectibles, nécessitant avant tout de rendre le moteur plus légèr et plus aérodynamique et les réservoirs à hydrogène plus compacts.
"Le principal défi est de réduire le volume. Vous voyez ce qui est devant vous. Cela semble énorme, tous ces tuyaux qui sortent. Ce n'est pas sexy", sourit Andy Reynolds qui présente le réservoir où l'on stocke l'hydrogène sous forme liquide à moins 250°C.
Le système, qui fonctionne comme une gourde à double paroi, qui conserve des liquides froids, permet d'introduire un grand volume d'hydrogène dans un petit espace.
"Contrairement au kérosène, l'hydrogène est un élément très léger, mais il prend beaucoup de volume. Nous n'avons pas beaucoup de volume à disposition sur un avion", souligne Andy Reynolds.
La propulsion à hydrogène est déjà utilisée dans l'industrie automobile et dans l'espace "pour faire fonctionner une fusée pendant 90 secondes une fois". Ce qui est un défi pour Airbus, c'est de rendre cela viable pour un avion commercial, résume l'ingénieur.
Le volume du moteur a déjà été réduit de 15% et va encore l'être d'au moins 20% supplémentaires. La quantité d'équipements à l'intérieur du moteur a été divisée par deux "ce qui est vraiment remarquable car cela apporte une fiabilité opérationnelle", explique pour sa part à l'AFP Hauke Ludders, un autre responsable du projet.
"Nous avons vraiment appris comment simplifier l'architecture du moteur sans compromettre la sécurité", s'enthousiasme-t-il devant la maquette.