Alpes-2030: Linette, le journaliste-manager qui va piloter les Jeux d'hiver

Cyril Linette, nommé jeudi directeur général des Jeux d'hiver dans les Alpes en 2030, a un profil atypique, journaliste sportif devenu cadre dirigeant à L'Equipe puis au PMU, avant une candidature malheureuse à la présidence de la Ligue de football professionnel.

"Sonné" par sa sèche défaite face à Vincent Labrune à l'automne 2024, il avait regretté à mi-mots ce résultat pourtant attendu, jugeant que le football professionnel français devait se débarrasser de sa "logique à la papa" et avait besoin d'un "manager", dont il estime posséder les qualités.

Promu en 2008 directeur du service des sports de Canal Plus, Linette, 54 ans, prend son virage managérial en 2015 en devenant directeur général de L'Equipe, à une période de forte chute des ventes.

Le quotidien passe en format tabloïd, regroupe ses rédactions, la chaîne TV se lance dans le direct en diffusant avec succès une discipline a priori confidentielle, le biathlon, choix stratégique gagnant ensuite étendu à de nombreux sports, y compris le football.

Il a aussi "réduit les coûts, comme toujours" quand il prend la direction d'entreprises, confie-t-il à l'automne 2024 à l'AFP.

- Débarqué du PMU -

Si elle lui a valu une grève dure contre des réductions d'effectifs à L'Equipe, cette attention particulière aux charges sera attendue à Alpes-2030 pour organiser une compétition, les Jeux d'Hiver, structurellement déficitaire.

Quand il quitte L'Equipe pour la direction générale du PMU en 2018, ce groupement de sociétés de paris va mal, plombé par la désaffection pour les courses de chevaux. Linette recentre l'activité sur l'hippisme, développe le numérique, l'international. Et, bien-sûr, réduit les coûts.

Le virage de la pandémie est négocié, les résultats s'améliorent mais l'aventure se termine abruptement: Linette est "révoqué pour faute" en 2021, payant un conflit sur le choix d'un nouveau siège. Les administrateurs lui reprochent d'avoir créé "un climat social conflictuel", pris "des propositions contradictoires" et changé "publiquement d'avis" sans "concertation préalable avec le conseil d'administration".

Linette, qui dénonce une "éviction dans l'urgence", crée alors sa société de conseil dans l'économie du sport. A partir de janvier 2024, il intervient dans l'émission Les Grandes Gueules sur RMC qui le présente sur son site comme un "ancien grand dirigeant de médias français".

Cette pause dans sa vie de manager lui avait valu un coup de griffe de Labrune dans L'Equipe: diriger la LFP, "ce n'est pas: +Tiens je ne sais pas quoi faire, donc je vais être président de la Ligue+".

- "Bonnes intentions" -

Cette campagne perdue a toutefois rappelé que Linette avait de vraies intuitions: les diffuseurs n'ont plus besoin du football français qui manque d'attractivité, et les tarifs appliqués par la plateforme de streaming DAZN, sont trop élevés, avertit-il.

Mais est-il question d'intuitions et de choix stratégiques au comité d'organisation d'Alpes-2030 ? L'ancien journaliste sportif va y être confronté à un défi inédit: piloter un événement majeur chargé d'enjeu politique et doté d'un budget qui devrait dépasser deux milliards d'euros dans un contexte financier compliqué.

Le duo qu'il va former avec le président du Cojo, l'ancien skieur Edgar Grospiron, devra rapidement mener des arbitrages sur les sites de compétition, et aller chercher 600 millions d'euros de recettes marketing au moment où la pertinence des JO d'hiver est mise en cause dans le contexte du changement climatique.

Le tout en dialoguant avec l'Etat et deux régions dont les intérêts divergent déjà. Ces combats politiques plus ou moins feutrés, Linette va les découvrir "in vivo" lui qui, il y a un an, signait dans Les Echos une tribune très critique de Paris-2024, titrée "Qui veut encore des Jeux olympiques?".

Il y regrettait notamment la place excessive de la politique et des questions sociales dans l'organisation de l'événement sportif: "Voyez les clips du Comité d'organisation : le sport est quasiment absent, comme s'il devait s'excuser d'être là. En revanche, l'inclusion, la parité, le patrimoine, mais aussi l'écologie, le recyclage, tout y est ! Un magnifique catalogue de bonnes intentions." De bon ou de mauvais gré, il va désormais devoir à son tour gérer le catalogue.

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