À la tête de la start-up Mistral AI, Arthur Mensch a fait de son groupe la vitrine de la scène française de l'intelligence artificielle (IA) en quelques mois, soucieuse de peser face aux mastodontes américains et chinois.
Ce polytechnicien et normalien aux cheveux en bataille, peu connu du grand public, profite du Sommet international pour l'action sur l'intelligence artificielle, lundi et mardi à Paris, pour multiplier les annonces et asseoir la notoriété de son entreprise.
Symbole de ce mouvement: le dirigeant de 32 ans a annoncé dimanche soir sur la chaîne de télévision TF1 et dans le journal le Parisien la création de son propre centre de données dédié à l'intelligence artificielle en France, qui sera installé en Essonne et représentera plusieurs milliards d'euros d'investissements.
Passé par le laboratoire d'IA du géant américain Google, DeepMind, Arthur Mensch a fondé Mistral en avril 2023 avec deux compatriotes, Guillaume Lample, l'un des créateurs du modèle de langage Llama de Meta, et Timothée Lacroix, lui aussi ancien chercheur chez Meta.
"Je suis parti au moment où j'ai perçu les opportunités de révolution industrielle" que cette technologie apportait, confiait-il à l'AFP mi-janvier.
Si les opérations de Mistral ont débuté au coeur de la capitale française, dans une quarantaine de mètres carrés baptisés "le frigo" en raison du manque de chauffage, elles se poursuivent désormais sur tout un étage où s'activent plus d'une centaine d'employés derrière une forêt d'écrans dernier cri.
La société de ce féru de mathématiques, qui a grandi dans les Hauts-de-Seine, a connu à l'image de son patron une ascension fulgurante.
En trois levées de fonds, la dernière atteignant 600 millions d'euros en juin, la pépite française a obtenu plus d'un milliard d'euros de financements, pour une valorisation d'environ 6 milliards d'euros.
Mistral compte désormais un bureau à Londres, à Palo Alto aux Etats-Unis et à Singapour.
Sa force a été de présenter dès ses débuts des modèles en source ouverte (accès libre au code de programmation) capables de concurrencer ceux de Meta, Google ou encore OpenAI, le créateur de ChatGPT, la positionnant en championne européenne de l'IA, au moment où les dirigeants de l'UE ambitionnent de placer le Vieux Continent sur la carte mondiale de cette technologie.
- "Vive le Chat!" -
"Toutes les régions du monde prennent conscience à des vitesses plus ou moins grandes qu'il faut se mettre (à l'IA) et le faire avec une certaine indépendance vis-à-vis des acteurs américains", selon Arthur Mensch, soulignant l'importance d'une approche "décentralisée" pour "avoir le contrôle sur cette technologie sur le long terme".
La start-up a toutefois signé de nombreux partenariats de distribution avec Google, Microsoft, Amazon ou encore IBM pour rendre ses produits facilement accessibles.
Elle vient aussi de mettre en ligne une application mobile du Chat - son outil conversationnel - pour permettre au grand public de lui poser des questions via un smartphone.
Mistral a par ailleurs révélé des partenariats avec France Travail ou le géant des services à l'environnement Veolia, quelques semaines après un accord signé avec l'Agence France-Presse (AFP) pour permettre à son robot conversationnel d'utiliser les dépêches d'actualité de l'agence pour répondre aux requêtes de ses utilisateurs.
Elle dispose d'un fort soutien politique en la personne du président de la République Emmanuel Macron qui a posté vendredi le message "Vive Le Chat!" avec un drapeau tricolore sur le réseau X, avant d'inviter dimanche les Français à télécharger l'application lors d'un entretien sur France 2.
Comme beaucoup de ses homologues, Arthur Mensch fustige néanmoins une réglementation européenne en matière d'intelligence artificielle "extrêmement pénible et obsolète".
"Il y a plein de questions qui ne sont plus pertinentes au regard de ce qu'est l'IA générative aujourd'hui", affirmait-il en décembre lors d'une conférence sur l'IA organisée à Paris.
L'entrepreneur a ainsi invité les régulateurs à "tout repenser, tout simplifier et tout unifier pour supprimer ces freins" auxquels ne sont pas confrontés ses concurrents américains.
Ces obstacles réglementaires n'ont jusqu'ici pas bloqué l'élan du trentenaire désigné en septembre par le magazine Time comme l'une des 100 personnes les plus influentes de l'intelligence artificielle.
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