En marchant dans le bois de Vincennes, on entend la tronçonneuse au loin. L'arbre craque, puis tombe: "C'est tout le temps, partout dans le bois", gronde Marie-Noëlle Bernard, responsable de l'antenne locale du Groupe national de surveillance des arbres (GNSA).
Depuis 2021, la mairie de Paris exécute la phase 2 de son plan de gestion arboricole des bois de Vincennes et de Boulogne, provoquant l'ire de plusieurs associations de défense de l'environnement.
L'origine de ces plans est la tempête Lothar de décembre 1999 qui "avait mis à terre à peu près 70% des massifs forestiers des deux bois parisiens", rappelle Christophe Najdovski, adjoint à la mairie de Paris en charge de la végétalisation de l'espace public, des espaces verts et de la biodiversité.
Le premier plan de gestion, entre 2005 et 2020, a permis d'augmenter la surface des massifs forestiers des deux bois de 58 hectares selon les études de l'Apur (atelier parisien d'urbanisme), également présidé par M. Najdovski.
Pour l'édile, ces interventions "ont pour objectif d'assurer la pérennité du massif forestier à une échelle de 200 ans".
- "En absurdie" -
Mais pour les opposants au projet, comme Christine Nedelec, présidente de France Nature Environnement (FNE) Paris, "il n'y a pas de besoin avéré". Elle argue que la nature peut très bien faire son oeuvre toute seule.
"Ils dégomment de partout", s'exclame encore Mme Bernard au passage d'une camionnette qui transporte des troncs. "On est en absurdie [sic], ils coupent des arbres sains", répète-t-elle.
"Oui, mais c'est la base-même de gestion d'une parcelle sylvicole", argue M. Najdovski.
Jusqu'ici, la mairie de Paris a procédé à des coupes dans le bois de Vincennes sur 58,2 hectares à l'hiver 2022-2023 et prévu d'autres sur 54 hectares pour l'hiver 2023-2024.
Ces coupes d'arbres sains ont pour objectif de réduire leur nombre "quand leur densité est trop forte, pour permettre le bon développement de la parcelle", selon la mairie de Paris.
"Un vrai carnage", selon Marie-Noëlle Bernard qui constate effarée la multitude de troncs au sol partout dans le bois : "En coupant comme ça, les arbres ne se protègent plus entre eux!"
"Le problème", c'est d'agir "sans étude d'impact", ajoute Mme Nedelec.
Pour M. Najdovski, il s'agit au contraire de "principes éprouvés de gestion sylvicole, votés par la ville de Paris et approuvés par les services de l'État".
"Vous avez des personnes qui ne sont pas spécialistes de la gestion forestière avec une vision erronée des choses, qui sont dans l'outrance et la caricature", ajoute-t-il.
L'élu assure "faire confiance" aux ingénieurs sylvicoles qui ont par exemple conseillé de laisser tout le bois coupé sur place, comme "support extraordinaire en termes de biodiversité".
- "Régénération" -
Mais si certains endroits conservent une partie des arbres, d'autres sont entièrement rasés: le long de l'allée Royale, une armée de piquets en bambous a remplacé les arbres qui s'élevaient quelques semaines auparavant.
Au pied de chaque bambou, un plant de chêne, de charme ou de tilleul : l'objectif de la mairie est aussi de faire repousser des espèces endémiques à la place des invasives comme l'érable ou le robinier.
"On a fait des coupes à blanc, mais abattre des arbres en pleine santé pour planter des espèces censées être plus résistantes, j'ai du mal à comprendre", admet un arboriste-élagueur de la Ville, parlant sous couvert d'anonymat. "Pourquoi les enlever en pleine santé pour mettre autre chose sous prétexte que ce qu'on a à planter sera adapté dans 30 ans?", s'interroge-t-il.
"Avec les chaleurs de l'été, tous les plants vont cramer", craint Christine Nedelec.
M. Najdovski assure qu'il s'agit cependant de "micro-interventions à l'échelle du massif forestier": ces zones dites de "régénération" couvrent 2,5 hectares sur les 540 de surfaces boisées que compte le bois de Vincennes.
Après comparaison entre une "parcelle témoin" laissée en libre évolution depuis 1999 et les zones de "régénération" du premier plan, la première "comporte deux fois moins de biodiversité que sur les parcelles où il y a eu régénération", affirme l'adjoint. Sans convaincre les opposants cependant.
Parlant d'"atteintes à la biodiversité", neuf associations de défense de l'environnement, dont le GNSA et FNE Paris, ont déposé un recours gracieux en novembre 2023 contre la Ville.