Augustin de Romanet, Monsieur Aéroports de Paris, nouvel oracle de la frugalité

Augustin de Romanet, PDG du Groupe ADP (Aéroports de Paris), qui quittera son poste après les JO, a développé son entreprise à l'international avant de prendre des mesures draconiennes pendant la pandémie, et défend désormais un usage raisonné de l'aviation face à la crise climatique.

Son mandat, qui arrivait à échéance en mai, a été prolongé de quelques mois seulement, alors que le patron souhaitait en accomplir un troisième. Son successeur sera désigné "à l'issue des JO", qui verront affluer des millions de visiteurs dans les aéroports parisiens, a annoncé Matignon mercredi.

Issu d'une famille de la noblesse normande, Augustin de Romanet de Beaune, bientôt âgé de 63 ans, a accédé fin 2012 à la tête du gestionnaire des deux principales plateformes aéroportuaires françaises, Charles-de-Gaulle (Roissy) et Orly.

L'Etat reste l'actionnaire majoritaire d'ADP, dont le projet contesté de privatisation n'est plus à l'ordre du jour depuis la crise du Covid-19.

ADP, longtemps chouchou de la Bourse grâce à sa solide rentabilité, s'est alors découvert fragile, subissant plus de 1,4 milliard d'euros de pertes nettes cumulées en 2020 et 2021.

Face à cette tempête sans précédent, M. de Romanet et ses équipes ont réduit la voilure: départ de 11% des effectifs sur la base du volontariat, réduction temporaire des salaires, fermeture de terminaux, recours à l'endettement...

Auparavant, M. de Romanet avait poursuivi la stratégie d'expansion de son prédécesseur Pierre Graff.

Après la Turquie, le groupe a ainsi mis un pied en Inde en prenant 49% de GMR, exploitant des aéroports de New Delhi, Hyderabad et Goa. Le périmètre d'ADP inclut aujourd'hui près de 30 plateformes dans le monde, d'Amman à Santiago du Chili en passant par Almaty.

Comme l'ensemble du secteur aérien, ADP est engagé dans une décarbonation de ses activités, et M. de Romanet se fait le VRP de partenariats avec des start-up et des énergéticiens.

- Ancien de la CDC -

En septembre 2022, il a même appelé à une "certaine modération" dans le recours à l'avion, à rebours du secteur et d'initiatives passées comme le projet d'agrandissement de Paris-Charles-de-Gaulle, annulé par le gouvernement début 2021.

A ses interlocuteurs - notamment un actionnaire qui lui faisait remarquer, en mai 2023, qu'un dirigeant d'aéroports "ne devrait pas dire ça" -, M. de Romanet répond qu'à défaut, des mesures coercitives se profileraient pour respecter les objectifs climatiques et que ne pas anticiper reviendrait à se "tirer une balle dans le pied".

Sorti de l'ENA en 1986 (promotion Denis-Diderot, comme l'ancien ministre Hervé Gaymard et le PDG de l'AFP Fabrice Fries), il a débuté sa carrière à la direction du Budget, avant de fréquenter les cabinets ministériels de Bercy entre 1995 et 2004.

En avril 2004, M. de Romanet est devenu le directeur de cabinet de Jean-Louis Borloo aux Affaires sociales, puis en septembre le directeur adjoint de celui du Premier ministre Jean-Pierre Raffarin.

En juin 2005, à la fin du deuxième mandat de Jacques Chirac, il a été désigné secrétaire général adjoint à la présidence de la République, y restant 16 mois, avant de passer quelques mois dans le privé, au Crédit Agricole.

En 2007, il a coiffé au poteau le secrétaire général de l'Elysée, Frédéric Salat-Baroux, et le conseiller diplomatique du président, Maurice Gourdault-Montagne, dans la course à la direction générale de la Caisse des Dépôts (CDC).

En 2020, il a été condamné à 5.000 euros d'amende pour "recel de violation du secret de l'instruction" dans le cadre d'un plaider-coupable en marge d'une enquête liée à sa gestion passée de la CDC qui lui vaut de comparaître au tribunal à partir de jeudi, aux côtés d'autres prévenus, pour favoritisme et détournement de fonds publics. L'audience devrait toutefois être renvoyée du fait de l'état de santé d'un avocat.

Volubile sur ses lectures, souvent pince-sans-rire - il confesse en 2018 au Figaro Magazine son abus des "mauvais jeux de mots" -, M. de Romanet, dont le frère cadet Antoine de Romanet est évêque aux Armées, a eu trois enfants avec Florence Burin des Roziers, décédée en 2014.

En secondes noces, il a épousé en 2023 Sibylle Le Maire, une des dirigeantes du groupe de médias Bayard, et soeur du ministre de l'Economie Bruno Le Maire, ce dernier se déportant en conséquence des dossiers concernant ADP.

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