Parmi les conséquences des importations françaises se trouve la déforestation massive de forêts, notamment en Amérique du Sud.
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Biodiversité

Derrière les aliments importés en France, de lourds impacts sociaux et environnementaux

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Une étude parue mercredi 16 avril analyse les conséquences socio-économiques et écologiques de 13 aliments importés en France, comme le café, le sucre de canne ou le cacao. Ses observations sont accablantes. Décryptage. 

À quelques jours de Pâques, c'est la ruée vers le chocolat. Le cacao est pourtant en tête des produits alimentaires importés en France dont l’impact sur l’environnement et les habitants des pays producteurs est très lourd. 

Pour laisser place aux cultures de cacao, "plus de 80 % des forêts de Côte d’Ivoire ont disparu entre 1960 et 2010. Même les aires protégées ont été touchées." Un constat établi par l’étude "Consommation française de produits agricoles importés : quels impacts, quelles solutions ?", dirigée par le BASIC pour Greenpeace France, Max Havelaar France et l’Institut Veblen. 

La déforestation continue 

Le rapport cite la déforestation comme "l’un des impacts environnementaux les plus visibles et destructeurs liés aux importations agricoles françaises". Ce phénomène touche principalement l’Afrique de l’Ouest, où est produit le cacao, l’Asie du Sud-Est, pour l’huile de palme, ainsi que le Brésil. Ce dernier est le premier exportateur de soja dans le monde, utilisé en très grande majorité pour nourrir les animaux d’élevage

Si les conséquences terribles de la déforestation sur l’Amazonie sont bien documentées, celles concernant le Cerrado, une savane arborée qui s’étend sur 1,5 million de km² dans le centre du Brésil, sont moins connues. 50 % de sa végétation naturelle a déjà disparu, engloutie par la culture du soja, qui s’étend sur 20 millions d’hectares – plus de la moitié de la surface de l’Allemagne.  

Les impacts de ce phénomène d’empiètement sont multiples. La biodiversité locale, dont des milliers d’espèces endémiques, en est la principale victime. Il faut aussi citer les gaz à effet de serre stockés dans les sols et libérés lors des opérations de déboisement, ainsi que l’érosion et l’appauvrissement des sols

Des répercussions terribles pour les locaux 

Au-delà des conséquences environnementales, le rapport insiste sur les impacts socio-économiques de ces filières. Au Brésil, les atteintes aux droits humains, "notamment autour de l’accaparement des terres et de l’eau des populations autochtones, également visées par des violences, ainsi que des manquements au droit du travail et des cas de travail des enfants", sont légion. 

Malgré un regain d’espoir dû à l’élection du président Luiz Ignacio Lula da Silva, au discours progressiste vis-à-vis des peuples natifs, ces derniers sont toujours la cible de violences. En 2023, la Commission pastorale pour la terre relevait 14 assassinats dus à des conflits fonciers.

Le travail des enfants et le travail forcé font aussi partie des implications sociales de ces économies. L’étude soutient que "trois filières se distinguent particulièrement par la présence systémique du travail des enfants ou forcé : le cacao (on estime à 1,5 million le nombre d’enfants travaillant dans des conditions dangereuses en Afrique de l’Ouest), le sucre de canne et le café."

En Inde, les plantations de canne à sucre emploient de nombreux enfants, obligés de travailler pour éponger les dettes familiales. Ils doivent pour cela arrêter l’école et vivent dans des conditions dangereuses, "manipulant des outils tranchants, portant de lourdes charges et travaillant de longues heures sous une chaleur intense". 

Pollution et accaparement de l’eau 

L’eau fait partie des ressources qui cristallisent débats et conflits autour de son utilisation. Le rapport souligne sa consommation massive, notamment par les filières du soja, du riz et du jus d’orange, mais également les pollutions auxquelles elle est exposée. 

Celles-ci résultent de l’utilisation importante "d’engrais et de pesticides, qui contaminent les nappes phréatiques, les rivières et les lacs". Le café fait partie des cultures "les plus consommatrices d’intrants chimiques", en particulier au Brésil et au Vietnam, principaux pays producteurs. 

Cette pratique entraîne une forte pollution directe, les polluants s’infiltrant dans les sols après l’épandage ou lors d’épisodes de pluie, mais également des contaminations indirectes. Elles ont principalement lieu lors du lavage post-récole des grains de café, dont l’eau chargée en intrants en jetées dans la nature. 

Face à ce constat, Greenpeace France, Max Havelaar France et l’Institut Veblen, commanditaires du rapport, appellent à prendre des décisions politiques pérennes. Au niveau européen, ils demandent l’application "rigoureuse" des textes européens sur la déforestation (RDUE), sur la transparence (CS3D) et sur les conditions de travail (Règlement Travail Forcé). 

Ils revendiquent aussi le rejet de l’accord de l’UE avec le Mercosur, "incompatible avec les objectifs européens en matière de justice sociale et climatique", ainsi que le soutien actif de "la certification écologique, sociale et équitable des importations françaises" dans les denrées sensibles.