Rosa B sera présente pour une séance de dédicaces au Festiv'Alarm (festival pour la libération animale et l'antispécisme) ce samedi à Marseille. Interview.
Alors que les considérations écologistes prennent de plus en plus d’ampleur partout, le véganisme reste encore un terrain qu’on croit réservé à quelques militants extrémistes. Pourquoi une telle méconnaissance de ce sujet ?
Je ne sais pas ! Peut-être parce que ça implique de changer sa vie au quotidien. C’est facile de se déclarer écolo, pour la préservation de la planète, mais quand ça devient concret c’est plus difficile de s’y mettre. Moi, si je suis végane, ce n’est pas pour essayer d’être meilleure que les autres : c’est une conviction d’ordre moral. Le véganisme ne doit pas être un marquage identitaire et communautaire. C’est un problème de société. C’est une question qui devrait être collective. C’est pour ça que je suis “méchante” : j’aimerais inspirer une réflexion globale sur le statut des animaux.
Dans notre monde, on ne naît généralement pas végan. Ça demande une prise de conscience, de remettre tout en question. À quel moment avez-vous eu ce déclic ?
C’était vers 2006. Pendant mes études, j’étais en coloc avec une fille. Un jour je lui ai proposé du saucisson, elle m’a répondu “Non merci, je suis végétarienne.” OK. Un autre jour, je finis par lui demander pourquoi. “Parce que j’aime les animaux.” Ça m’a intriguée, je me suis renseignée sur internet, sur la viande, dans quelles conditions elle était fabriquée, etc. Là j’ai compris qu’en fait, on s’était vraiment foutu de ma gueule depuis le début ! Ce n’est pas nécessaire ni naturel de manger de la viande trois fois par jour, ce n’est pas écologique, en plus ça fait du mal aux animaux… J’avais 25/26 ans pourtant, je me pensais bien informée. C’est parti de là : j’étais vraiment en colère !
Dans vos BD, vous êtes à la fois très sarcastique et extrêmement pédagogue. En quoi le dessin et l’humour peuvent-ils être plus efficaces qu’un discours pour faire passer des messages ?
Quand je suis devenue végane, je ne faisais pas de BD mais j’en lisais beaucoup. Les gens ont commencé à me faire des remarques bizarres sur ce choix de vie, et souvent je me disais que ça ferait de trop bonnes BD ! Donc j’ai commencé à dessiner, sans en être vraiment consciente au début. L’humour, c’est assez naturel aussi, parce que je suis tout le temps comme ça. Je ne me vois pas aller dire à quelqu’un “Tu sais, il y a des animaux qui meurent, etc.” Ça passe mieux par la blague ! Après, je ne me pose pas trop la question de savoir comment ça va être reçu. Mais je pense que ça parle même à ceux qui ne sont pas végans à la base. Il y a même plein de gens qui le sont devenus après m’avoir lue – j’ai un papier où je mets une croix dès que quelqu’un me dit ça !
En plus de dix ans de véganisme et presque autant à dessiner sur cette thématique, vous trouvez que les réactions ont changé ?
Oui, ça évolue, c’est rentré dans le débat public. Même si ça avance très peu : dans la loi Alimentation, les mesures allant dans ce sens ont toutes été rejetées. Mais au moins on en a débattu ! Pareil pour l’abattoir de Mauléon : il a été condamné à verser des amendes ridicules [pour mauvais traitements et abattage avec souffrance], mais au moins il y a eu un procès. Ç’aurait été impensable il y a dix ou même cinq ans. Il y a aussi des choses qui progressent : de plus en plus de pays ou de villes interdisent l’exploitation d’animaux sauvages dans les cirques par exemple.
Lorsqu’on défend les droits des animaux, peut-on légitimement prendre position en leur nom ?
Il y a des évidences : un animal ne souhaite a priori pas être égorgé ! Ensuite, sur la place des animaux dans la société, l’espace qu’il doivent avoir, le contrôle de la reproduction, etc. il faudrait effectivement avoir des connaissances scientifiques plus solides que celles qu’on a actuellement, pour savoir quels sont leurs besoins, leur vie intérieure, ce qu’eux souhaiteraient. À ce sujet, Frans de Waal a écrit un livre très intéressant : Sommes-nous trop “bêtes” pour comprendre l’intelligence des animaux ? (éd. Les Liens qui Libèrent). Il y souligne notamment le fait qu’on leur fait passer des tests ridicules, comme les placer devant un miroir, et qu’on les classe ensuite sur une échelle humaine, du type “équivaut à l’intelligence d’un enfant de 5 ans”, alors que ça n’a pas de sens.
Quelles sont les nouveautés de votre dernier tome Ils sont parmi nous ?
Pour ce tome, j’ai été soutenue par les tipeurs sur Tipeee [une plateforme de financement participatif]. Ça m’a permis de m’investir beaucoup plus, de réaliser des reportages comme celui sur le Salon de l’Agriculture ou dans des refuges d’animaux. Je me suis aussi lancée dans un résumé dessiné de Zoopolis, une théorie politique des droits des animaux, qui m’a demandé énormément de temps. C’est un pavé hyper ardu, je voulais donner envie de le lire. J’ai été en contact avec les auteurs pour qu’ils valident les propos. C’était un gros morceau ! Sinon, pour renouveler les sujets, je m’adapte à l’actualité. Cette année, j’ai rebondi sur les bris de vitrines [de boucheries attaquées par des militants végans]…
Pour finir, des conseils de littérature végane ou des artistes qui vous inspirent ?
- La BD Les paupières des poissons de Sébastien Moro et Fanny Vaucher
- La guérilla des animaux de Camille Brunel
- Zoopolis, une théorie politique des droits des animaux
- Tous les livres de Florence Burgat, chercheuse à l’INRA
- L’artiste Vegan Sidekick…
Festiv'Alarm
Du jeudi 15 au dimanche 18 novembre 2018
Séance de dédicaces par Rosa B. le samedi 17 novembre de 13h à 16h
Dar Lamifa, 127 rue d'Aubagne 13006 Marseille
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