Dans la vallée de l'Orbiel, arsenic et vieilles décharges toxiques

L'ancienne mine d'or et d'arsenic de Salsigne et ses stockages de déchets toxiques dans l'Aude, citée jeudi dans un rapport sénatorial comme un site emblématique de pollution industrielle, empoisonnent le quotidien des riverains, qui ne désarment pas et exigent une dépollution.

Dans la vallée de l'Orbiel, près de Carcassonne, un arrêté préfectoral interdit la baignade dans les cours d'eau, le ramassage de mûres, escargots et champignons, la consommation des poissons pêchés, animaux chassés, fruits et légumes produits localement.

Fermée en 2004, la mine de Salsigne "est une des plus grandes décharges chimiques du monde", affirme Frédéric Ogé, spécialiste de la pollution des sols au CNRS, qui a pris sa retraite dans le village de Conques-sur-Orbiel, 10 km en aval.

A la mine, premier producteur mondial d'arsenic jusque dans les années 1990, s'ajoutait une vaste unité de traitement et stockage de déchets.

"Il y a 2 millions de tonnes de déchets toxiques enfouis dans 15 millions de tonnes de tout-venant, des métaux lourds qui par ruissèlement se répandent dans les aquifères (nappes d'eau souterraines)", estime le scientifique qui dénonce une omerta des pouvoirs publics.

- "Pollution confinée" -

En aggravant les risques sanitaires dans la zone, les inondations meurtrières du 15 octobre 2018, ont suscité un sursaut de mobilisation des habitants, avec notamment un dépistage de l'arsenic sur les enfants.

"On n'a jamais dépollué, on a confiné la pollution", se plaint Max Brail, le maire de Lastours, premier village en aval de la mine.

"La mine est fermée depuis 16 ans, et nous avons 38 enfants qui n'étaient pas encore nés quand la mine était en activité, dont le taux d'arsenic est supérieur à la norme acceptable, c'est qu'il y a un problème", insiste cet ancien mineur de 67 ans.

Les services de l'Etat, qui ont également relancé une série d'études sur les retombées du legs minier admettent des "pollutions résiduelles", en mettant en avant les millions d'euros investis pour sécuriser le site.

Mais "mettre en sécurité, ne veut pas dire dépolluer en totalité un siècle d'exploitation minière, c'est techniquement irréalisable", affirme Laurent Denis, responsable de la DREAL dans l'Aude.

Quant à la santé des habitants de la vallée, il n'y a "pas d'inquiétude particulière" selon Dominique Mestre Pujol, déléguée départementale adjointe de l'ARS.

"Il y avait des excès de cancer du temps de l'exploitation de la mine, jusque dans les années 1990, mais il n'y a plus excès de mortalité", remarque-t-elle.

- "Impuissance de l'Etat" -

L'ARS n'en a pas moins lancé en septembre un nouveau dépistage de l'arsenic dans la population enfantine de la vallée de l'Orbiel.

Dénonçant un "écran de fumée", des associations locales se sont elles mobilisés pour mettre en lumière une "polyexposition" des habitants, adultes compris, en commanditant auprès du laboratoire ToxSeek des analyses portant sur 49 métaux lourds.

Dans l'attente d'un bilan attendu fin septembre, des résultats partiels révèlent "la présence au delà de la limite acceptable de 5 à 6 métaux lourds par personne, notamment arsenic, plomb, mercure, argent et antimoine", indique Gérard Balbastre, responsable du Secours catholique dans l'Aude.

L'obstacle, pour que la vérité éclate, estime M. Balbastre, est que "si l'Etat reconnaît ses torts, c'est la porte ouverte à des tas de demandes d'indemnisation".

Près de l'ancienne mine, où un Mémorial salue la bravoure des mineurs, des stockages de déchets en plein air sont éparpillés. L'un d'eux, la verse de Narteau, une coulée blanchâtre contenant de l'arsenic, s'écoule dans un ruisseau à chaque pluie.

Une inscription "Danger arsenic" a été peinte sur l'asphalte, mais pas de panneau indiquant une zone polluée.

"L'Etat est largement responsable de ce qui nous arrive, ils ont laissé faire les exploitants", dénonce le maire de Lastours.

Le rapport sénatorial publié jeudi, semble conforter les associations en pointant "l'impuissance de l'État à faire assumer pleinement par les anciens exploitants leurs responsabilités en matière de mise en sécurité et de dépollution dans le domaine minier, le manque de transparence dans l'information sur les sources effectives de pollution et les risques associés".