De Bonnard à Salgado, une exposition invite chacun à trouver son arbre

D'un chêne majestueux incarnant Georges Clémenceau aux couleurs "consolatrices" d'un amandier en fleurs signé Pierre Bonnard, une exposition à Deauville invite à s'identifier aux arbres via la peinture, la photographie, mais aussi la science ou l'art contemporain.

On y voit "des arbres très différents, torturés pour certains, sublimes pour d'autres. N'importe qui pourra y trouver un arbre qui lui rappelle son histoire personnelle", s'enthousiasme Laurent Tillon, responsable de la biodiversité de l'Office national des forêts (ONF) et membre du comité scientifique de "Vous êtes un arbre" proposée jusqu'au 5 juin à Deauville (Calvados).

Pour l'auteur d'"Etre un chêne" (Actes sud), interrogé par l'AFP, face à un arbre, à son "rythme complètement différent des nôtres", à sa "force et sa longévité assez incroyables", "on peut se questionner sur ce qui est vraiment important dans nos vies".

L'arbre peut être spectaculaire, comme "L'ancêtre", un chêne majestueux peint par l'impressionniste Gilbert Bellan, sur commande de Georges Clémenceau. Le "Tigre" estimait "qu'aucun portrait de lui n'était plus ressemblant", assure à l'AFP Thierry Grillet, commissaire de l'exposition et ancien directeur des affaires culturelles à la BNF.

En fond sonore, une voix scande discrètement sur un rythme électro-pop "vous êtes un arbre", "retenez l'odeur des fleurs", "vous êtes calme et fort", "vous sentez la sève qui monte en vous, vous ne pensez plus". Le titre de l'exposition en forme de mantra hypnotique vient à la fois de ce morceau signé par le duo SDA en 1992, et des "Paradis artificiels" de Charles Baudelaire.

De "L'Amandier en fleurs" aux couleurs vives "consolatrices" de Pierre Bonnard, émane même l'espoir d'une "résurrection", commente M. Grillet. L'artiste a peint ce tableau sur son lit de mort en 1947.

- Ronsard illustré par Matisse -

Le photographe contemporain sud-coréen Bae Bien-U expose, sur sept mètres de large par deux de haut, ses pins "saisis à l'aurore". L'artiste Eva Jospin propose elle une forêt monumentale et "féérique", en carton.

A l'opposé, le botaniste du XVIe siècle Claude Duret expose dans un tout petit ouvrage "extrêmement rare" son "encyclopédie" recensant des arbres "merveilleux", parfois "tristes" ou "timides qui se rétractent quand on les approche", poursuit M. Grillet.

L'arbre se montre à la fois "fragile et fort" chez le photographe new-yorkais Robert Longo, il "gesticule et pleure" lorsque Gustave Doré illustre "L'Enfer" de Dante.

Man Ray a lui redressé un arbre mort pour en faire le "portrait d'un homme-tronc fortement sexué" dans un environnement lunaire, relève M. Grillet, tandis que Matisse illustre Ronsard avec un arbre aux courbes très sensuelles.

Plus politique, le photographe Julien Berthier colle avec une pointe d'humour une hache au sommet d'un arbre mort "montrant que la déforestation excessive des forêts primaires, c'est un peu nous suicider", selon M. Grillet.

Les "Scieurs de bois" de Jean-François Millet (1855) lui font écho un peu plus loin. A l'initiative de Théodore Rousseau, également exposé, une pétition avait appelé à protéger la forêt de Fontainebleau de l'avidité de la révolution industrielle. George Sand fut l'une des signataires, raconte le commissaire.

Le combat continue. Le peintre Fabrice Hyber et le photographe Sebastiao Salgado, également exposés à Deauville, ont planté des centaines de milliers d'arbres ces dernières décennies en Vendée pour l'un, au Brésil pour l'autre.

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