La blockchain suscite autant d’enthousiasme chez ses adeptes que d’inquiétudes écologiques. Révolutionnaire pour certains, cette technologie est essentiellement utilisée pour sécuriser les crypto-monnaies, des devises échangées entièrement virtuellement, sans le contrôle d’une banque centrale.
Serge Abiteboul, informaticien et chercheur à l’ENS et l’INRIA, rappelle cependant que la blockchain peut avoir d’autres utilisations que les crypto-monnaies. Elle peut servir à sécuriser des échanges internes entre banques ou entre entreprises, ou prouver la propriété d’un terrain par exemple. Le principe pourrait donc s’avérer être un réel tournant dans la façon d’appréhender la propriété et le système financier.
Autant pollueuse que le Belarus
Née en 2008, la blockchain fonctionne comme un registre numérique unique, dans lequel tous les participants tentent d’inscrire des données numériques, sans autorité centrale. C’est ce qu’on appelle la "cryptographie". La succession de ces données validées forme l'historique de toutes les transactions et droits de propriété entre les utilisateurs. L’inscription d’un nouveau "bloc" de données est validée par un internaute lorsque celui-ci réussit à déchiffrer un calcul complexe le premier.
C’est cette méthode de désignation du droit de poser un bloc, appelée "minage", qui pose problème. Pour réaliser ces opérations le plus rapidement possible, les "mineurs" utilisent de super-ordinateurs, qui demandent énormément d’électricité. Depuis 2021, l’Université de Cambridge suit en temps réel le bilan énergétique du Bitcoin. Selon les chercheurs britanniques, la crypto-monnaie la plus populaire au monde consomme autant d’électricité par an que l’Argentine, soit environ 126 TWh. Toujours d'après Cambridge, le Bitcoin rejetterait 64 millions de tonnes de CO2e par an, soit une empreinte carbone comparable à des pays comme le Belarus.
"Il n’y a aucune raison technique pour que cela fonctionne de cette façon, c’est juste du gaspillage." –Serge Abitboul, chercheur à l’ENS et à l’INRIA
Des crypto-monnaies "vertes"
Serge Abiteboul plaide en faveur de la généralisation d’une façon alternative de faire fonctionner la blockchain. Plutôt que la méthode classique qui fait travailler des milliers de super-ordinateurs en simultané, il est possible, avec un autre algorithme, de désigner aléatoirement un seul "validateur" parmi les participants, qui posera le prochain bloc dans le registre.
Face aux récurrentes dénonciations du poids écologique de la blockchain, de plus en plus de crypto-monnaies choisissent cette option, appelée proof of stake (preuve d’enjeu). Ethereum, deuxième plus importante monnaie virtuelle derrière bitcoin, a réalisé ce tournant depuis septembre 2022. L’entreprise affirme que le proof of stake permettra à terme de réduire sa consommation d’énergie de 99,95 %.
Ethereum n’est pas le premier à passer au proof of stake. La pratique se généralise progressivement parmi les crypto-monnaies, que l’on nomme pour certaines "vertes". D’autres principes algorithmiques permettent d’éviter le minage intensif, mais fonctionnent essentiellement à petite échelle. Reste que le Bitcoin, plus grand pollueur, n’a pas opéré ce tournant.
Certaines entreprises redoublent alors d’imagination pour verdir les fameuses pièces virtuelles flanquées d’un B majuscule. MintGreen propose par exemple de récupérer la chaleur des mines de Bitcoin. Comme nous l’écrivions, en plus de plusieurs usines, ce procédé pourrait être utilisé comme système de chauffage par des villes entières. Les ordinateurs de minages seront installés à proximité d’infrastructures qui récupèreront et redirigeront la chaleur vers les usines et chaudières adaptées.
Des engagements officiels
L'ensemble des acteurs des monnaies virtuelles ont signé en 2021 les Crypto Climate Accord. Calqués sur le modèle des accords climatiques conclus aux COP entre les États, ils fixent des objectifs de décarbonation de l’industrie de la blockchain. Les géants du secteur s’engagent à une crypto-monnaie 100 % issue des énergies renouvelables d’ici à 2025, et à une monnaie parfaitement propre d’ici à 2040.
Des engagements qui peinent pour l’instant à être tenus. Mais contrairement à l’économie conventionnelle, les entreprises de la blockchain ont très vite pris conscience de leur impact sur l’environnement, et semblent de plus en plus enclines à fermer leurs mines.
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