Sur le campus de l'Esplanade, l'étudiante de 21 ans en licence d'études scandinaves redoute de retomber dans l'enseignement à distance, comme au plus fort de la pandémie. "En visio, je ne suis pas, donc ça risque de me mettre au plus bas", confie celle qui trouve que "les bâtiments sont déjà froids".
Pour répondre à l'ambition gouvernementale de 10 % d'économies d'énergie et tenter de juguler une facture en passe de doubler à 20 millions d'euros, l'Université de Strasbourg avait envisagé dès la rentrée le blocage des thermostats à 19 degrés, le retardement de la saison de chauffe ou un travail sur les "bonnes pratiques" (éteindre son ordinateur, la lumière, réfléchir à ses déplacements).
La décision d'une troisième semaine de vacances début janvier et d'une autre en distanciel en février, communiquée aux 57 000 étudiants dans une vidéo publiée sur Youtube, a en revanche pris tout le monde de court. "On a besoin d'une continuité dans l'enseignement, surtout quand on a notre âge, c'est important de rester dans un cadre scolaire et universitaire", regrette ainsi Paulin Enger, étudiant en 3ème année d'anglais, de retour d'une année Erasmus "géniale" à Dublin.
18 prix Nobel
"Ajouter des jours à une période longue de fermeture est l'une des mesures les plus rentables en terme d'énergie", défend le président de l'Université, Michel Deneken, pour justifier une reprise en 2023 décalée au 9 janvier au lieu du 3, comme initialement prévu. Le professeur de théologie catholique affirme avoir consulté les ingénieurs du patrimoine avant de prendre sa décision de mettre certains édifices hors chauffe. Une période de concertation doit par ailleurs s'ouvrir avec les organisations syndicales dans les prochains jours pour détailler les secteurs concernés. Une seule bibliothèque sur les 20 que comptent les huit sites de "l'UniStra" devrait rester ouverte durant les deux semaines de fermeture. Certains personnels pourraient aussi devoir prendre des congés imposés. "C'est nous qui allons payer en utilisant internet et les ordinateurs depuis chez nous", devine pour sa part Camila Ferreira, Brésilienne de 30 ans inscrite en sciences du langage.
Parmi les 600 000 mètres carrés de bâtiments que compte l'Université aux 18 prix Nobel, certains seront néanmoins épargnés par la chasse au gaspillage, comme l'Insectarium qui nécessite une température constante et étudie les maladies transmises par les moustiques, ou le laboratoire de biologie, "extrêmement énergivore". "La chimie strasbourgeoise est la meilleure d'Europe (...), il faut maintenir la recherche à son plus haut niveau", affirme M. Deneken.
"Calendrier assez audacieux"
Au-delà de cette sobriété pensée comme "une réponse à long terme", le président réfléchit tout haut pour l'avenir "à un calendrier assez audacieux", inspiré de ce qui se fait outre-Rhin : "Pourquoi ne pas rentrer dès la fin août et finir plus tard, de sorte à avoir un vrai mois de janvier fermé ?".
"En été, il fait 40 degrés ici", rétorque Pascal Maillard depuis son bureau de chercheur non climatisé, au cinquième étage d'un immeuble orienté plein sud. S'il plaide pour "une économie de la décroissance", le secrétaire académique du Snesup-FSU, majoritaire à Strasbourg, met en garde : "un plan d'économie énergétique ne doit pas être un plan d'économie budgétaire". Le syndicaliste à la voix posée voit dans les fermetures hivernales annoncées un manquement à "l'obligation de service public" et "une décision solitaire".
Face au mur énergétique, la ministre de l'Enseignement, Sylvie Retailleau, a promis mardi d'"accompagner" les établissements, précisant qu'il ne fallait "surtout pas" que ce plan de sobriété se fasse "aux dépens des étudiants", en appelant également "à garder (l)es enseignements fortement en présentiel".
"Si le contexte continu à être haussier, il nous faudra négocier avec nos tutelles, car avec ce budget (560 millions d'euros de fonctionnement annuel), on ne sait pas faire", convient Michel Deneken.
Avec AFP.
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