Dans les cuisines de l'école d'hôtellerie Médéric qui dispense une formation "Passerelle Handicap", le célèbre chef, masqué, observe, conseille comment mieux tenir la poche à douille et poser du cerfeuil en décoration. Son chef pâtissier, le directeur de la salle ainsi que la responsable des Ressources Humaines l'accompagnent pour mener des entretiens dans la foulée.
Son restaurant Alléno Paris au Pavillon Ledoyen, trois étoiles du guide Michelin, fermé pour cause de l'épidémie du coronavirus ne rouvrira qu'en septembre et "ce serait une erreur de repartir comme avant", a déclaré Yannick Alléno à l'AFP. Pendant deux mois et demi du confinement, il dit avoir réfléchi "au restaurant de demain" : "le bien-être au travail, l'inclusion et la diversité" vont faire partie. "L'avenir des restaurants, c'est de cultiver la différence et pas l'indifférence. La France doit être le moteur de l'inclusion comme elle l'est sur la gastronomie et il faut que ma notoriété serve à faire prendre conscience aux autres chefs que c'est possible", souligne le chef. Si "tout est fait" pour faire profiter les clients handicapés du restaurant, il admet n'avoir rien prévu dans les cuisines récemment rénovées pour qu'un collaborateur en fauteuil roulant puisse y travailler.
"La restauration traditionnelle et étoilée a besoin d'évolution"
C'est pendant la crise sanitaire et la fermeture de tous les restaurants que la prise de conscience a eu lieu, dit-il. Ces jeunes, handicapés physiques ou mentaux, "ont besoin d'être encadrés, avec des tuteurs, on ne veut pas aller plus vite que la musique", souligne Yannick Alléno en assurant qu'après les premières embauches en septembre, d'autres vont suivre dans ses établissements. "La restauration traditionnelle et étoilée a besoin d'évolution. Je vois ces jeunes qui ont une bonne dextérité et un vrai intérêt pour la cuisine et je suis hyper motivé et hyper confiant", souligne-t-il.
"Bonjour chers clients ! C'est du roquefort, pâte persillé" : dans la salle où le déjeuner sera servi, des apprentis serveurs s'exercent avec leur formateur à présenter les fromages. "Il faut présenter les fromages devant les clients, le type de pâte, la croûte (...). Ce n'est pas compliqué, on le retient", témoigne Mikaël Souid Oliveras, 22 ans. "Les profs m'ont beaucoup soutenu. J'ai appris les fromages et aujourd'hui j'apprends les régions des vins". Et épidémie oblige, se tenir à distance d'un mètre des clients.
Maître d'hôtel à Matignon, résidence du gouvernement français, Claude Bruzet forme depuis deux ans des jeunes en situation de handicap. "Ce n'est pas simple à gérer, quand on ne connaît pas du tout, mais ils sont très attachants, très naturels et très agréables", raconte-t-il à l'AFP après leur avoir expliqué la différence entre Berne et le Béarn, terre du fromage de brebis. Pour lui, l'embauche de ses élèves dans un restaurant étoilé où "il faut être parfait" serait "une grande nouveauté" car d'habitude "on les place dans des endroits dit mieux protégés". "C'est un défi énorme. Handicapé ou pas, c'est du très haut niveau, il faut être très pointu", souligne-t-il. Selon Nicolas Gandillet, directeur du restaurant Alléno Paris, c'est "l'amour pour l'humain" et "l'envie de faire plaisir" qui comptent, le reste s'apprend.
"L'idée de travailler avec des gens de milieux différents et de situations sociales différentes me plaît beaucoup. Cela va créer une force et une identité incomparables", conclut-il.
Avec AFP.
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