Des gorges du Verdon sans rafting cet été faute d'eau, un lac réduit à peau de chagrin: en ce début d'été, les Alpes-de-Haute-Provence, très prisées des touristes européens, ont l'impression de "toucher du doigt" le réchauffement climatique. Au bord de la plage du lac de Castillon, enserré entre les montagnes alpines à 900 mètres d'altitude, il ne reste même pas 40 cm de fond. L'eau a reculé comme sous l'effet d'une grande marée.
Le tourisme local est touché
"Quand on voit ce spectacle, ça donne pas envie", admet tristement Serge Prato, le maire de Saint-André-les-Alpes, un village de quelque 980 habitants qui vit en partie du tourisme. La mort dans l'âme, le maire s'apprête à interdire la baignade car le niveau d'eau du lac est cinq mètres au-dessous de la cote habituelle. Le parc aquatique n'ouvrira pas. Et le ponton où se louent les bateaux électriques et autres pédalos a les pieds à sec. "On va même pas faire le quart de notre chiffre d'affaires. Les touristes sont déjà énervés et quand il y aura beaucoup de monde, qu'est-ce qu'on va pouvoir leur proposer ?", se désespère Inès Flores, responsable de la base nautique Bike Beach.
"En quelques décennies, on est passé d'une sécheresse tous les cinq ans, à trois sécheresses tous les cinq ans", explique Claude Roustan, président de la fédération de la pêche de ce département du sud-est de la France. Avec le réchauffement climatique, l'intensité et la fréquence des épisodes de sécheresse risquent encore d'augmenter même si le monde parvient à limiter la hausse des températures à +1,5°C par rapport à l'ère pré-industrielle, selon les experts de l'ONU pour le climat.
Déjà comme une fin d'été
Dans ce coin des Alpes françaises, un hiver avec peu de pluie et de neige sur le Val d'Allos a créé une situation hydrologique "historique", explique Olivier Savoye, délégué territorial pour la compagnie électrique EDF pour le Verdon. Barrages et lacs artificiels ont été aménagés sur cette rivière au XXe siècle afin d'assurer une production d'électricité mais aussi l'alimentation en eau de la Provence jusqu'à Marseille et son irrigation. Avec leurs eaux émeraude, les cinq lacs et les gorges, le plus grand canyon d'Europe, sont aussi devenus de hauts lieux des loisirs nautiques avec un million de touristes par an dont beaucoup de Néerlandais, Belges ou Allemands. Mais cette année, les activités y seront réduites. EDF, qui a maintenu un débit minimum dans le Verdon pour préserver la faune, ne fera pas de lâchers d'eau dans les gorges, compromettant pour la première fois toute une saison de rafting. En 2017, année très chaude, les lâchers s'étaient arrêtés à mi-saison mais pas si tôt.
Le célèbre lac de Sainte-Croix, un des plus grands de France, est lui à un niveau de fin d'été. Les activités nautiques sont pour l'instant maintenues mais qu'en sera-t-il en août ? "Il faut que les habitants comme les touristes aient conscience de cette situation exceptionnelle", insiste la préfète des Alpes-de-Haute-Provence, Violaine Démaret en prônant de faire très attention à l'eau. Les autorités veulent valoriser les plages encore accessibles pour éviter que les touristes se massent dans des coins de baignade interdits et dangereux.
Un changement dans les activités touristiques
Il faudra aussi encourager les activités annexes (VTT, randonnée) dans ce pays de la lavande, même si l'incendie il y a quelques jours de 1.800 hectares dans un camp militaire proche a rappelé que la sécheresse fragilise aussi la végétation. "Est-ce qu'on va réussir à la fois à faire de l'électricité, de l'agriculture, du raft et du kayak?", se demande Jacques Espitalier, vice-président du Parc naturel régional du Verdon.
"On est dans le pays de "Manon des sources" (le roman de Marcel Pagnol) mais ce n'est pas chacun sa source et son eau", insiste Violaine Démaret au moment où certains hameaux ont vu leurs sources se tarir et doivent être ravitaillés en eau potable. Chaque acteur devra faire des concessions: EDF a "sacrifié" sa production hydroélectrique depuis six mois pour préserver les autres usages, explique Mme Démaret. "A quoi bon accorder des permis de construire si on a des problèmes d'eau ?", réfléchit à haute voix le maire de Castellane, Bernard Liperini qui hésite désormais à attirer 500 personnes de plus sur sa commune de 1.600 habitants comme il l'envisageait.
Avec AFP