Les éboulements de falaises sont de plus en plus fréquents.
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Environnement

Comment faire face au recul du trait de côte ?

L’érosion touche inéluctablement l’ensemble du littoral français. Ce phénomène naturel, accru par le dérèglement climatique, a déjà des conséquences directes pour les populations locales, qui tentent de mettre en place des solutions. Décryptage. 

À Sainte-Marguerite-sur-Mer, en Normandie, un blockhaus de plusieurs dizaines de mètres de haut est planté à la verticale dans la plage. Construit à flanc de falaise pendant la Seconde Guerre mondiale, l’immense bloc de béton n’a pas tenu le coup face à l’inexorable érosion des falaises normandes

Elles font partie des dizaines de milliers de kilomètres de littoral qui reculent chaque année en France, menaçant les habitations et l’activité économique locale. Le recul du trait de côte est à la base un phénomène naturel. Il est toutefois accéléré par le réchauffement climatique. 

En première ligne face à la montée des eaux 

Le trait de côte, qui désigne le point le plus éloigné atteint par l’eau, recule naturellement du fait de l’action du vent et de la mer. Les falaises sont creusées par la force des vagues et les tempêtes répétées érodent leur partie haute, qui finit par se détacher en créant un éboulis. Les littoraux ensablés subissent aussi l’action de la houle, qui vient déplacer les sédiments et les emmener vers le large. 

Mais ces phénomènes naturels sont accélérés par le changement climatique. Les épisodes météorologiques deviennent plus fréquents et plus intenses et chaque tempête apporte son lot de dégâts, parfois plusieurs fois par an. Dans les régions où le niveau des terres est proche de celui de la mer, c’est la montée des eaux qui est la première menace.

C’est le cas en Camargue, où il est courant que les habitations soient construites directement face à la plage. Aux Saintes-Maries-de-la-Mer, le trait de côte recule de 1 à 5 mètres par an, d’après François Sabatier, maître de conférences au Centre de recherche et d’enseignement en géosciences de l’environnement à Aix-Marseille Université, interrogé par Le Monde

Des écosystèmes fragilisés par l’artificialisation 

Dans ce village de 2 000 habitants du delta du Rhône, l’artificialisation des sols est aussi en cause. Embouchure fluviale triangulaire se séparant en plusieurs bras, un delta se caractérise par la mouvance de son paysage. Les différents bras du fleuve bougent et évoluent en fonction des dépôts de sédiments. 

Les politiques d’endiguement lancées à partir des années 80 ont profondément bouleversé le fragile équilibre de cet écosystème. De nombreux marais ont été asséchés et des tonnes de sable ont été extraites afin de stopper les mouvements du fleuve. Ces sédiments manquent aujourd’hui aux plages méditerranéennes, où ce qui est emporté par la mer n’est pas suffisamment renouvelé.

Enfin, le couvert végétal des plages, qui retient naturellement le sable, est souvent dégradé, voire complètement manquant, à cause du piétinement humain, de la circulation de véhicules ou des politiques de défrichement. 

Des solutions innovantes mais coûteuses 

Pour pallier cette absence de végétation, de nombreuses communes mettent en place des ganivelles. Ces clôtures formées de piques en bois de châtaigner délimitent les espaces libres d’accès pour les promeneurs, permettant à la végétation de se régénérer. 

De nombreuses collectivités ont aussi opté pour la construction d’épis, sortes de barrières perpendiculaires à la mer, qui forment des tourbillons sous-marins et retiennent ainsi le sable. D’autres se tournent plutôt vers des brise-lames, sur lesquels viennent directement se heurter les vagues, limitant leur impact sur le littoral naturel. 

Mais ces solutions sont temporaires et coûteuses. Rien qu’aux Saintes-Maries-de-la-Mer, leur construction a coûté 15 millions d’euros, auxquels il faut ajouter 250 000 euros d’entretien annuel. De plus, un investissement de 20 millions d’euros sera nécessaire pour tenir les 50 prochaines années. 

Dans le Calvados, en Normandie, c’est tout un patrimoine qui est en danger. Les plages du Débarquement sont menacées de submersion et les falaises escaladées par les GI en 1944 s’effondrent déjà. Renforcées par des pierres et du béton pour 5 millions d’euros en 2010, les États-Unis ont à nouveau déboursé 6 millions en 2022 pour fortifier l’ouvrage, qui se dégrade vite. 

Si ces travaux sont nécessaires à la préservation des littoraux, nombreux sont les experts à rappeler qu’ils ne seront pas suffisants. Certaines communes vont devoir accepter d’abandonner les habitations trop proches du front de mer. Dans le delta du Rhône, la solution la plus pérenne semble de devoir réapprendre à vivre en harmonie avec les aléas du fleuve.