Alors que le mercure à son summum a fait transpirer la France toute la semaine, cette période de canicule n’a rien arrangé à nos affaires en matière de pollution de l’air. Cette vague de chaleur, venue directement du Sahara, a fait suffoquer les villes hexagonales, intensifiant la pollution à l’ozone.
Si l'on est plus attentif à l'air que l'on respire durant ces pics, la pollution est pourtant bien présente de manière continue. Et c'est bien l'exposition chronique qui pose le plus de danger pour la santé. Mais que font les collectivités françaises pour lutter contre ces épisodes de pollution ? Les villes mettent en place certaines mesures pour assurer tant bien que mal un air plus respirable à leurs habitants.
Les transports, nerf de la guerre des municipalités
Les centres-villes embouteillés, les transports en commun bondés, c’est le lot de nombreuses villes françaises. Le transport automobile est à lui seul responsable de 63 % des émissions d'oxydes d'azote. Alors certaines municipalités n'ont pas hésité à ouvrir les hostilités pour faire baisser la pollution.
La vignette "crit’air", débarquée il y a quelques années, est aujourd’hui imposée dans plus de 25 villes françaises (sur décision du préfet de chacune d’elles). Cette petite pastille colorée, qui habille les pares-brises des véhicules, entre en fonction en cas de pic de pollution (notamment durant les épisodes de circulation différenciée). Elle sert de notation (de 1 à 5, et une vignette dédiée aux véhicules électriques) et permet de classer nos voitures en fonction de leur année de naissance et des normes anti-pollution. Dans le cadre de la mise en place des “zones à faible émission” (ZFE) ce 1er juillet, Paris et sa banlieue (49 communes) interdiront totalement ou partiellement - selon les zones -, la circulation des véhicules les plus polluants (soit les vignettes crit’air 5 et véhicules non-classés).
Pour limiter les émissions liées aux transports routiers, certaines villes ont aussi sauté le pas de la gratuité des transports : Aubagne, Gap ou encore Dunkerque font partie des quelques communes françaises où l’on peut se déplacer en bus, en tramway, en métro... Gratuitement ! D’autres ont choisi l’option moins radicale : à l’image de Libourne où seuls les résidents de la ville ont droit à ce traitement de faveur, ou encore Toulouse où l’abonnement est gratuit pour les personnes âgées, handicapées ou à faibles revenus. Certaines villes optent également pour des transports plus propres : depuis quelques années, Paris et sa petite couronne multiplient les appels d’offres pour rénover leurs réseaux de bus et muter peu à peu vers l’électrique. Plus récemment, la commune d’Houdain a vu naître la première flotte de bus roulant entièrement à l’hydrogène. Si pour l’heure, celle-ci est en phase de test durant tout l’été sur une parcelle de 13 kilomètres, la ville pourrait pérenniser le projet et l’étendre à d’autres lignes de transports.
Certaines villes vont encore plus loin en piétonnisant des zones entières. Annecy est connue pour être le paradis des piétons, avec 4 % de sa voirie interdite aux voitures et un centre-ville depuis peu limité à 30 km/h (mesure entrée en vigueur en 2018). On peut également citer Bordeaux et sa célèbre rue Sainte-Catherine, où le piéton est roi : cette artère commerçante est l’une des plus longues d’Europe (environ 1,2 km de long). Mais pour visiter la grande gagnante en matière de ville piétonne, il faudrait voyager jusque chez nos voisins espagnols, à Pontevedra. Cette commune de 80 000 habitants a lancé un plan de piétonnisation dès le début des années 2000. Résultats : aujourd’hui, 70 % des déplacements s’y effectuent à pied et ces mesures ont permis de faire baisser la pollution de 61 % !
Autre alternative à la marche à pied si les distances vous effraient : le vélo ! Là, direction Tours, Strasbourg ou Nantes, où le cycliste est à l'honneur. Ces trois villes françaises, où il est bon de pédaler, se disputent le podium des communes les plus "bike-friendly". Selon l’étude réalisée par Holidu, à Tours, on compte quelque 119 kilomètres de voies cyclables, 213 à Strasbourg et 225 à Nantes.
Et si nombre d’habitants ne sont pas encore prêt à troquer leur véhicule personnel contre un vélo en libre-service ou des transports en commun plus propres, l’Etat entend aussi développer massivement l’électrique. À l’image de la fameuse "prime à la conversion", remise sur la table après la gronde des gilets jaunes (une subvention pour remplacer son véhicule diesel ou essence par un véhicule électrique), ou encore le déploiement massif des bornes de recharge électrique. On en compte par exemple près de 800 du côté de l’agglomération lyonnaise. Une carte interactive a d’ailleurs été mise au point pour trouver des points de recharge près de chez vous.
Plus ambitieux encore, dans le cadre du "Plan de rénovation énergétique des bâtiments", l’État prévoit d’imposer la mise en place de bornes de recharge électrique lors de la construction de nouveaux bâtiments d’ici 2050.
Encourager des logements plus propres
Cette feuille de route pour 2050 prévoit aussi la construction de "bâtiments basse consommation", ou mieux encore, de "bâtiments à énergie positive". Ceux-ci limiteront, entre autres, au maximum la consommation liée au chauffage. Mais sans attendre, les premières installations de ce type voient d'ores et déjà le jour. À Grenoble, la municipalité a mis en place en 2015 une "prime à la conversion" spéciale chauffage. Accusés d’être trop polluants, les chauffages au bois (cheminées, foyers ouverts et inserts d'avant 2002) font l’objet d’une subvention versée aux habitants afin de financer leur changement vers des systèmes plus récents, plus performants et plus propres. Appelée "Prime Air Bois", celle-ci peut s’élever jusqu’à 1200 euros en fonction des revenus et est cumulable avec le crédit d’impôt transition énergétique et les aides des fournisseurs d’énergie. Selon la ville, "dans la métropole grenobloise, 3 à 7 % des décès (soit 114 morts environ) et 3 à 10 % des nouveaux cas de cancer du poumon sont imputables chaque année à la pollution aux particules fines". De nombreuses autres communes pratiquent désormais cette Prime Air Bois (recensées ici par l'ADEME).
Dans la capitale, la Mairie de Paris a récemment entrepris la conception de son propre data center. Pour éviter la consommation énergétique excessive de ce type d’infrastructure, la ville a choisi de rendre ce centre plus "durable" : comme c’est déjà le cas à Bordeaux, le bâtiment devrait chauffer les immeubles aux alentours, ainsi qu’une serre d’agriculture urbaine sur son toit, grâce à une pompe à chaleur connectée au réseau local d’eau chaude.
Enfin, de plus en plus de villes développent leurs "écoquartiers", des zones conçues suivant des caractéristiques écologiques, tels que des réseaux locaux de fourniture d’énergie, de traitement des déchets, de circuits d’auto-consommation... À Grenoble, le quartier de Bonne était l’un des pionniers en France : situé au cœur du centre-ville, il compte 900 logements dont 38 % de logements sociaux, un centre commercial basse consommation ou encore de multiples espaces verts.
Du vert pour mieux respirer
La nature en ville fait office de poumon des zones urbaines. Alors pour limiter les émissions polluantes, certaines villes n’hésitent pas à reverdir leurs agglomérations.
Mise en place de murs végétaux (comme l’oasis d’Aboukir à Paris : 250 m2 de verdure, 7600 plantes, 237 espèces), voies vertes, plantations citoyennes (comme à Lille, dans le cadre du projet "un verger en ville"), ou encore préservation des parcs et espaces verts... Mais la grande gagnante est la petite ville d’Angers, élue ville la plus verte de France, où l’on peut croiser des vaches au cœur de son centre dans des parcs naturels. Là, aucun produit chimique n’est utilisé pour entretenir la verdure, et la ville compte 100 m2 d’espaces verts par habitant !
Les citoyens aussi ont les cartes en main
Et si les pouvoirs publics mettent en place plusieurs mesures pour limiter l’exposition des villes à la pollution, celles-ci n’auront pas grand effet sans les efforts fournis par les habitants eux-mêmes. Privilégier les transports en commun, respecter les mesures de circulation alternées, ne pas brûler ses déchets verts, ou remplacer son vieux poêle à bois, sont autant de gestes qui pourraient faire la différence.
Pour en savoir plus, consultez le guide de l’ADEME, "La pollution de l’air en 10 questions".
En partenariat avec l'ADEME.
Cette semaine, ID vous a posé la question suivante : "Votre ville met-elle, selon vous, des mesures satisfaisantes en place pour contrer la pollution du l'air ?".
Vous avez été une écrasante majorité à considérer que votre commune n'en fait pas assez pour lutter contre la pollution :
Voici quelques-unes de vos suggestions :
Mettre la circulation différenciée quand c'est tellement pollué que tu ne peux pas respirer, ce ne sont pas des mesures, ce sont des pansements, à la limite" - commentaire sur Facebook
Il faudrait végétaliser les toits, mettre des murs végétalisés dès que possible, plus d'espaces verts, plus d'arbres, de meilleurs transports en commun (tram beaucoup trop lents - ndlr : à Toulouse), et de meilleurs pistes cyclables !" - commentaire sur Facebook
Il manque encore des îlots boisés pour faire baisser la température et surtout des toits végétalisés sur les derniers immeubles modernes. " - commentaire sur Facebook
Vous avez apprécié cette information ? Pour nous permettre de préserver notre indépendance et vous proposer des contenus toujours plus nombreux et rigoureux, vous pouvez soutenir notre travail.
Si vous avez une minute et 1€, cela peut faire la différence pour nous. Merci ! #TousActeurs.