Près de 85 kg par an et par habitant. C’est le poids de la consommation de viande des Français, d’après des données publiées par FranceAgriMer en 2021. Une consommation qui, après avoir légèrement baissé depuis la fin des années 1990, a tendance à se stabiliser, voire à repartir à la hausse. "Depuis 2013, la consommation moyenne de viande est stable en quantité, en revanche, elle se transforme vers plus de volailles, plus de viandes consommées au restaurant et plus de viandes transformées (nuggets, cordon-bleu, pizzas, etc.)", explique à Ouest-France Lucile Rogissart, chercheuse au think tank I4CE, l’institut de l’économie pour le climat.
La production de viande n’est pas sans impact sur l’environnement, son bilan carbone est même lourd. Dans un rapport publié en 2023, l’organisation des Nations Unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO) a estimé que ce secteur émettait environ 6,2 milliards de tonnes d’émissions d’équivalent CO2 (Gt éq-CO2) par an, soit 12 % du total des émissions liées aux activités humaines, et près de 40 % de l’ensemble des émissions liées aux activités agroalimentaires. Des émissions qui, en l’absence d’intervention, pourraient s’élever à près de 9,1 Gt éq-CO2 d’ici 2050.
Dans le détail, c’est la production bovine (viande et lait) qui génère le plus d’émissions : avec 3,8 Gt éq-CO2 par an, elle représente 62 % du total des émissions dues a la production animale. Suivent ensuite la production porcine avec 14 %, et la production de volailles qui représente 9 % du total.
Méthane, engrais azotés et pesticides
Selon le rapport, 60 % des émissions totales du secteur proviennent d’émissions directes, notamment de méthane. Ce gaz, au pouvoir réchauffant près de 30 fois supérieur à celui du CO2, est principalement émis par les ruminants — boeufs, mais aussi agneaux, moutons et chèvres — en raison de leur système digestif particulier. Pour le porc et la volaille, c’est surtout leur alimentation qui a un impact, en raison de l’épandage d’engrais azotés et de pesticides sur les cultures. "On a besoin de produire beaucoup de céréales, protéagineux, oléagineux, parce qu’on a beaucoup d’animaux à nourrir. Si demain on avait moins d’animaux, on n’aurait pas besoin de mettre autant de pesticides et d’azote sur le blé parce que vous auriez besoin de moins de produits végétaux pour nourrir les animaux", résume à Ouest-France Pierre-Marie Aubert, directeur du programme Politiques agricoles et alimentaires à l’Institut du développement durable et des relations internationales (IDDRI).
Et la production animale provoque également d’autres dégâts sur l’environnement, comme la pollution de l’eau et des sols — liée aux déjections animales, aux engrais azotés et aux pesticides — ou la surconsommation d’eau. Mais aussi la déforestation. "Sur l’ensemble des surfaces agricoles en France et à l’étranger nécessaires à notre alimentation, les trois quarts sont dédiés à l’alimentation animale", explique, toujours à Ouest-France, Carine Barbier, économiste de l’environnement au Cired (Centre international de recherche sur l’environnement et le développement). "Il y a un vrai enjeu du point de vue de la déforestation qui existe en Amérique latine, à cause des cultures de soja par exemple".
Pour des raisons liées à la fois à la santé et à l’environnement, beaucoup choisissent de se tourner vers des viandes issues d’agriculture biologique. Mais d’après une étude publiée dans Nature Communications en 2020, la production de viande bio n’émettrait pas moins de gaz à effet de serre que la production conventionnelle. Car les animaux d’élevages biologiques vivent plus longtemps et émettent donc davantage de gaz à effet de serre. "Un poulet industriel est élevé en 40 jours, un poulet bio, c’est le double, […] donc c’est mieux pour le bien-être animal, […] mais les émissions de gaz à effet de serre par kg de produit sont plus élevées pour le poulet bio", indique à Ouest-France Michel Duru, directeur de recherche, chargé de mission à l’Institut national de recherche pour l’agriculture, l’alimentation et l’environnement (Inrae). Mais selon certaines études, les personnes ayant une alimentation bio n’émettraient pas plus de gaz à effet de serre par repas, car elles auraient tendance à consommer moins de viande que la moyenne.
Diminuer de moitié sa consommation de viande
Réduire sa consommation est justement l’une des solutions pour limiter l’empreinte carbone de la production de viande. D’autant que la France en consomme plus que nécessaire. "125 g de viande par jour" déclare à National Geographic Béatrice Morio, directrice de recherche à l’Inrae et vice-présidente de la Société Française de Nutrition (SFN). "Or, de nombreux scénarios et prospectives indiquent qu’une consommation de viande deux fois moins élevée pourrait contribuer à faciliter l’atteinte des objectifs climatiques et le respect des limites planétaires". Une diminution qui peut être compensée par des apports protéiques végétaux issus de céréales, légumineuses et oléagineux, également source de fibres, de vitamines et de minéraux. Selon un rapport du Réseau Action Climat et de la SFN, réduire de moitié la consommation de viande permettrait une diminution de l’impact carbone de 20 à 50 %.
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Autre solution : se tourner vers les alternatives végétales à la viande, beaucoup moins polluantes. Selon une étude réalisée par HappyVore, un steak végétal émet 31 fois moins de CO2 qu’un steak de boeuf. Et d’après une autre étude, publiée dans la revue Nature Communications, remplacer 50 % des produits animaux par des produits végétaux permettrait, d’ici 2050, de réduire de 31 % les émissions de gaz à effet de serre issues de l’agriculture et de l’utilisation des terres.