Début octobre, la préfecture des Vosges avait annoncé avoir travaillé avec l'Agence de l'eau Rhin-Meuse "à une solution alternative fondée sur l'optimisation des ressources locales" pour préserver la nappe des grès du Trias inférieur (GTI), principale ressource en eau potable de l'est de la Lorraine. Ce scénario alternatif sera présenté vendredi 18 octobre lors d'un comité de bassin.
Une privatisation de l'eau
Environ trois millions de m3 d'eau sont prélevés chaque année dans cette nappe phréatique, située à 100 m de profondeur, par trois communes - Vittel, Contrexéville et Bulgnéville - et trois industriels, dont Nestlé Waters (qui détient les marques Vittel, Contrex, Hépar, Perrier...). Ce réservoir d'eau, de très bonne qualité et faiblement minéralisée, présente un déficit annuel d'un million de m3 et se renouvelle lentement.
Pour rétablir l'équilibre, un projet de canalisations souterraines avait été adopté par la commission locale de l'eau (CLE) en juillet 2018. Il prévoyait d'acheminer 500 000 à un million de m3 d'eau potable, pompés dans des captages distants d'une dizaine de kilomètres, jusqu'aux trois communes, permettant ainsi à Nestlé Waters de conserver son autorisation de prélever annuellement un million de m3. Le collectif eau 88 dénonçait "une privatisation de l'eau par Nestlé", selon l'un de ses membres, Bernard Schmitt.
Porte-parole de Nestlé, Françoise Bresson souligne la "baisse constante" de ses prélèvements, réduits selon elle "de 30 % depuis 2010" pour être ramenés à "630 000 m3 fin 2019". "On a prévu de les diminuer encore de 5 % en 2020 pour arriver à 600 000 m3", a-t-elle ajouté, interrogée par l'AFP. L'eau puisée dans la nappe des GTI est vendue exclusivement à l'export sous la marque "Bonne source", principalement en Allemagne et en Suisse, où 250 millions et 43 millions de bouteilles ont respectivement été commercialisées en 2018.
"L'enjeu de l'eau"
Le scénario alternatif, présenté au comité de bassin, reposerait sur la mise en place d'un observatoire des ressources en eau, "la priorité donnée aux habitants" et "la recharge rapide de la nappe des GTI", croit savoir M. Schmitt. "On ne peut pas retrouver un équilibre de la nappe sans éliminer une part importante des prélèvements. Depuis trente ans, on a perdu trente million de m3, on ne va pas la reconstruire avec une économie de 100 000 m3", observe Jean-François Fleck, également membre du collectif.
Dans un communiqué, des élus vosgiens réclament "un véritable contrat de territoire afin de revenir sur les fondamentaux, à savoir par ordre de priorité : le retour à l'équilibre de la nappe, le service public de l'eau aux habitants, l'utilisation de l'eau à des fins industrielles". "L'enjeu de l'eau est fondamental, on est minéralier donc on n'a aucun intérêt à assécher une source ou à ne pas être en lien avec notre territoire", souligne Mme Bresson, qui espère "une solution concertée, avec tous les acteurs".
Le collectif Eau 88 dit rester "vigilant". "C'est un virage, une nouvelle étape, mais Nestlé Waters n'est pas prêt à renoncer à ses prélèvements", avance M. Fleck. Une enquête judiciaire avait jeté le discrédit sur ce projet. Une conseillère départementale et ancienne présidente de la CLE, Claudie Pruvost, est poursuivie pour "prise illégale d'intérêts". Son époux, ancien cadre chez Nestlé Waters, avait présidé une association qui avait participé à l'élaboration du projet.
Nestlé Waters emploie un millier de salariés sur ses sites de Vittel et Contrexéville qui produisent 1,5 milliard de bouteilles par an, toutes marques confondues. Un plan de réorganisation prévoit le non-remplacement d'une centaine de départs d'ici à 2022.
Avec AFP.
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