C'est la conclusion de chercheurs suisses, qui ont analysé des images en haute résolution de toutes les Alpes, prises depuis l'espace, sur les 38 dernières années. "Nous avons été honnêtement très surpris de trouver une tendance tellement énorme au verdissement", a déclaré à l'AFP Sabine Rumpf, professeure assistante à l'Université de Bâle et auteure principale de l'étude, publiée jeudi dans la revue Science.
En cause : la réduction de la couverture neigeuse, et le développement de la végétation, causés par la hausse des températures.
Le phénomène est déjà bien connu pour l'Arctique, mais n'avait jusqu'ici été que peu étudié à grande échelle pour les zones montagneuses. Or ces deux endroits se réchauffent bien plus vite que d'autres sur la planète, et les chercheurs suspectaient donc des effets comparables. Pour leur analyse, ils ont isolé les régions au-dessus de 1700 mètres d'altitude, afin d'exclure les zones utilisées pour l'agriculture. Au-dessus de cette altitude, les forêts ont également été exclues. Résultat : sur près de 10 % de la surface observée, la neige n'était plus présente en été à la fin de la période analysée, alors qu'elle l'était au début.
Sabine Rumpf souligne en outre que les images satellites ne permettent que de vérifier la présence ou l'absence de neige. Or le premier effet du réchauffement est de diminuer la profondeur du manteau neigeux, ce qui a été observé par des mesures localement. Donc "ces près de 10 % peuvent sembler peu, mais cela ne veut pas dire que rien ne se passe dans les autres zones". Dans un deuxième temps, les chercheurs ont comparé la quantité de végétation, grâce à l'analyse de longueurs d'ondes permettant de détecter la quantité de chlorophylle présente. Le résultat s'est révélé encore plus frappant : dans 77 % de la zone observée, la végétation a augmenté.
Cercle vicieux
Elle s'accroît de trois façons différentes : des plantes ont poussé là où il n'y en avait pas auparavant, certaines grandissent et se densifient du fait de conditions plus favorables, et enfin des espèces se développant normalement à des altitudes plus basses et poussant plus vite et facilement colonisent des zones plus élevées.
C'est le changement climatique qui conduit à ces changements."
"C'est le changement climatique qui conduit à ces changements", indique sans détour Sabine Rumpf. "Le réchauffement signifie des périodes de végétation plus longues", et "plus il fait chaud, plus les précipitations tombent sous forme de pluie, et non de neige". Les conséquences de ce "verdissement" sont multiples. D'abord, une grande partie de l'eau potable provient de la fonte des neiges, souligne l'étude. Si l'eau n'est pas stockée sous forme de neige, elle disparaît plus vite via les rivières. De plus, l'habitat d'espèces adaptées spécifiquement à l'environnement alpin se trouve bouleversé. Et la disparition de neige peut par ailleurs nuire à l'industrie touristique du ski. Enfin, "ce que nous avons tendance à oublier est l'aspect émotionnel de ces processus, les Alpes sont un symbole, et quand les gens pensent à la Suisse, c'est souvent aux Alpes qu'ils pensent", dit Sabine Rumpf.
Pour l'avenir, l'optimisme n'est pas au rendez-vous. Un cercle vicieux se met en effet en place : alors que la neige réfléchit environ 90 % des radiations solaires, la végétation elle en absorbe bien davantage, et les renvoie ensuite sous forme de chaleur. Ce qui en retour accélère le réchauffement, et donc la fonte des neiges et l'augmentation de la végétation. Et ainsi de suite.
Du vert au marron ?
L'évolution précise des Alpes dans les décennies à venir reste toutefois une inconnue. "En termes de neige, c'est assez clair. Le manteau neigeux va disparaître de plus en plus, surtout aux plus basses altitudes", explique Sabine Rumpf.
Mais pour le moment un autre phénomène, le passage à la couleur marron - indiquant que le sol n'est plus recouvert ni de neige, ni de végétation - n'a été détecté que dans moins de 1 % de la zone étudiée. C'est bien moins que ce qui est observé en Arctique, ou dans les montagnes d'Asie centrale. Cette tendance est alimentée par deux facteurs : l'augmentation des épisodes de pluies extrêmes suivis de sécheresses, et le tarissement de l'eau issu de la fonte des neiges pour les plantes.
"Nous ne savons pas pour l'avenir si le passage au marron va être de plus en plus fréquent, et renverser la tendance", conclut Sabine Rumpf, qui aimerait pouvoir renouveler ces observations dans quelques années, afin de le vérifier.
Avec AFP.
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