À l'issue de 4 mois d'échanges, la Commission nationale du débat public (CNDP) organise jeudi soir une ultime réunion sur le projet de technocentre prévu sur le site de l'ancienne centrale alsacienne.
Environ 2 000 personnes ont participé aux différents webinaires et ateliers proposés, dans une ambiance parfois "tendue" : en décembre, plusieurs associations avaient claqué la porte, estimant "servir de faire-valoir dans un jeu dont les dés sont pipés".
"Les opposants considèrent que le débat donne trop de place au maître d'ouvrage (EDF). Et inversement, ce dernier considère que nous avons donné trop de place aux opposants", concède Jean-Louis Laure, président de ce débat public.
D'un côté, les pouvoirs publics locaux, pour qui ce technocentre est une évidence, 5 ans après l'arrêt des réacteurs.
"On est totalement favorable. C'est un beau projet industriel qui donne une suite à un site fermé prématurément pour des raisons politiques", défend Claude Brender, le maire de Fessenheim.
Attaché au nucléaire, il voit dans le recyclage des métaux de centrales françaises et potentiellement étrangères une démarche "vertueuse". Il n'a aucune inquiétude quant aux rejets du site, notamment les fumées.
"On a eu des réponses rassurantes, tous les rejets seront captés. Ça demande encore à être précisé, mais je n'ai aucun doute que l'impact sur la santé sera nul", assure-t-il.
"Et puis on ne va pas cracher dans la soupe, ça génèrera des retombées financières", se réjouit-il. Pour la communauté de communes, les recettes fiscales sont estimées à 2,5 millions d'euros par an, en plus des 200 emplois permanents créés.
Intérêt local ou général ?
Mais pour d'autres, cet optimisme n'a pas lieu d'être.
"On se dirige vers un scandale financier", avertit Daniel Reninger, de France Nature Environnement, estimant que le coût du projet, chiffré à 450 millions d'euros "sans compter les retards", sera "payé par le contribuable français", EDF étant détenu à 100% par l'État.
"Pour ce technocentre, il n'y a aucun projet de budget de fonctionnement, EDF ne nous a pas répondu sur ce point. Mais en Suède, la société Cyclife, filiale d'EDF, fait déjà ce travail de fonderie. Et l'an dernier, la dette d'exploitation de Cyclife montait à environ 65 millions d'euros", prévient-il.
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Ainsi, il voit dans ce projet une simple "opération de communication" visant à "faire croire qu'on a trouvé une solution pour les déchets du nucléaire".
Conclusion partagée par le physicien Jean-Marie Brom, de l'association Global Chance, qui calcule que pour la centrale de Fessenheim, les déchets qui pourraient être traités par le technocentre ne représentent que 1,5% du total des déchets générés par le démantèlement.
"À défaut d'avoir pu imposer le nucléaire comme renouvelable, avec le technocentre EDF tente de faire croire que le nucléaire est recyclable", brocarde-t-il.
"Des sommiers radioactifs ?"
En termes de santé publique, certaines associations alertent sur la fabrication d'objets de la vie courante à partir de métaux très faiblement radioactifs.
"Bien sûr, ce seront de très faibles doses", inférieures aux seuils règlementaires, admet André Hatz, de l'association Stop Fessenheim. "Mais l'étude Inworks de l'IRSN (Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire), mise à jour en 2024, met en évidence que sur un temps prolongé, ces très faibles doses peuvent provoquer des cancers, voire des cancers létaux."
"Que se passera-t-il si vous utilisez tous les jours des fourchettes, des casseroles ou des sommiers radioactifs ?", interroge-t-il, en réclamant que seule l'industrie nucléaire puisse réutiliser de tels métaux.
Plusieurs organisations pointent aussi le risque sismique, classé "modéré" ou "moyen" dans le Haut-Rhin. Elles s'inquiètent d'une possibilité de dispersion de la radioactivité en cas de séisme et de rupture de la digue, le technocentre devant s'implanter neuf mètres sous le niveau du canal du Rhin.
Sollicité sur ces aspects, EDF n'a pas donné suite, mais indique qu'il "publiera les enseignements qu'il retient du débat".
Avec AFP