François Bayrou a fait un geste en direction notamment du Rassemblement national lundi, en disant souhaiter qu'un décret définissant la feuille de route énergétique de la France pour les dix prochaines années soit publié "d'ici à la fin de l'été", après l'examen d'une proposition de loi sur le sujet.
En jeu: la nouvelle feuille de route énergétique de la France pour la période 2025-2035, qui doit mettre le pays sur la voie de la neutralité carbone en 2050. Cette programmation pluriannuelle de l'énergie (PPE), en préparation depuis plusieurs années, détaille les objectifs énergétiques de la France: quelle part pour le nucléaire, les énergies renouvelables?
La programmation doit faire l'objet d'un décret.
Mais pour le RN, qui a laissé planer une menace de censure sur le sujet, et pour des parlementaires de droite et du centre, pas question de laisser passer ces orientations sans vote.
Face aux levées de boucliers, l'exécutif a proposé d'inscrire à l'ordre du jour de l'Assemblée une proposition de loi du sénateur LR Daniel Gremillet, a priori à partir du 16 juin, selon le gouvernement. Celle-ci a déjà été adoptée en première lecture par le Sénat, et prévoit une relance massive de la filière nucléaire.
Sous pression, François Bayrou avait déjà proposé ce premier débat lundi sur la souveraineté énergétique de la France, à la portée limitée en l'absence de vote.
Premier monté à la tribune, devant un hémicycle dégarni, et pendant qu'une panne d'électricité géante touchait toute la péninsule ibérique, le Premier ministre a assuré que "le gouvernement n'a rien à vendre, aucune thèse à faire triompher sur les autres".
Il a dit souhaiter que la publication du décret ait lieu "après l'examen de la proposition de loi" Gremillet, alors qu'elle avait jusqu'ici été annoncée "d'ici à l'été", après le débat sans vote au Parlement.
Le gouvernement explique parallèlement que le décret est très attendu pour lancer des appels d'offre, notamment pour l'éolien en mer.
Le Rassemblement national a de son côté revendiqué "une grande victoire politique". "Si Marine Le Pen n'était pas intervenue (...) l'administration aurait adopté ce décret dans le dos du Parlement", a déclaré Jean-Philippe Tanguy.
La cheffe de file des députés RN a elle dénoncé depuis la tribune une PPE aggravant des "politiques injustes et ruineuses".
- "Soutien raisonné" aux renouvelables -
Le projet de planification, dont M. Bayrou a promis une "version améliorée et corrigée", prévoit de ramener la part des énergies fossiles dans la consommation énergétique d'environ 60% en 2023 à 42% en 2030, puis 30% en 2035.
En rupture avec la précédente PPE, qui prévoyait de fermer des réacteurs, le nouveau texte acte une relance de l'atome, avec la construction de six nouveaux EPR2. L'ambition du rythme de déploiement des renouvelables est confirmée, en particulier pour l'éolien en mer.
François Bayrou a donné comme priorité "de réduire notre dépendance aux énergies fossiles importées", et défendu un "mix électrique" associant une "orientation de base pro-nucléaire" à un "soutien raisonné aux énergies renouvelables".
Il a annoncé qu'un "groupe de travail" piloté par le député Renaissance Antoine Armand et Daniel Gremillet serait "missionné pour mener des auditions et des études complémentaires" sur l'avenir énergétique du pays, et rendrait ses conclusions fin mai.
Une partie de la gauche a elle critiqué lundi la part d'effort dévouée au nucléaire.
"Le gouvernement s'est lancé dans un programme effréné de constructions de réacteurs", sans "aucun effort réel (...) pour structurer une filière industrielle solide, souveraine des énergies renouvelables", a lancé Aurélie Trouvé, présidente LFI de la commission des Affaires économiques, rappelant les retards du futur EPR2 de Penly.
"Miser prioritairement sur le nucléaire, c'est aggraver notre retard dans la transition énergétique (...) c'est recommencer l'erreur du Minitel contre Internet", a estimé l'écologiste Dominique Voynet.
A droite Jérôme Nury (LR) a dénoncé au contraire "cette folie de toujours plus d'énergies renouvelables, intermittentes", qui "enlaidissent nos paysages" et sont selon lui un "gouffre financier".
"Trop" d'énergies renouvelables pour la droite, "trop de nucléaire" pour la gauche: "peut-être que la PPE est équilibrée", a lancé la députée macroniste Olga Givernet.
Un débat sur le même thème est prévu le 6 mai au Sénat.