Feuille de route énergétique de la France: les enjeux d'un texte qui divise

La troisième programmation pluriannuelle de l'énergie (PPE3) est au coeur d'un débat organisé lundi à l'Assemblée nationale sur la "souveraineté énergétique". Ce texte fixe la feuille de route énergétique de la France pour dix ans et suscite de nombreuses divisions sur le partage entre le nucléaire et les renouvelables.

A quoi sert la PPE ?

La PPE est un outil de pilotage de la politique énergétique pour mettre la France sur la voie de la neutralité carbone en 2050. Elle a été prévue par la loi du 17 août 2015 relative à la transition énergétique pour la croissance verte.

Fruit de quatre ans de travaux associant entreprises, élus, collectivités et représentants de la société civile, le projet de PPE 2025-2035 détaille les objectifs énergétiques de la France: combien de consommation et de production et combien de nucléaire, de renouvelables ?

La PPE est l'un des trois documents de planification - avec la stratégie nationale bas carbone (SNBC) et le plan national d'adaptation au changement climatique (Pnacc) - pour mettre en oeuvre la stratégie française pour l'énergie et le climat (Sfec) publiée en 2023.

Que contient ce projet de PPE ?

Une trajectoire pour garantir la sécurité énergétique et la maîtrise des prix, et pour être moins dépendant des importations en gaz et en pétrole. Concrètement, il s'agit de ramener la part des énergies fossiles dans la consommation finale énergétique en France d'environ 60% en 2023 à 42% en 2030, puis à 30% en 2035.

Comment les remplacer ? Par de l'électricité principalement bas carbone (nucléaire et renouvelable) avec une part qui augmentera de 27% à 39% entre 2023 et 2035, et par des énergies renouvelables hors électricité (géothermie, biomasse...) qui doivent être portées de 15% à 30%.

En rupture avec la précédente PPE 2019-2024, qui prévoyait de fermer des réacteurs nucléaires, le nouveau texte acte au contraire la relance de l'atome, annoncée par le président Emmanuel Macron en février 2022.

L'ambition du rythme de déploiement des renouvelables est confirmée en particulier pour l'éolien en mer, tandis que l'éolien terrestre est maintenu à son rythme actuel. En revanche, le document lève le pied sur la croissance du solaire.

L'accent est mis sur l'électrification des usages, autrement dit le remplacement des énergies fossiles polluantes par de l'électricité bas carbone dans les transports, les bâtiments, les industries.

Pourquoi est-ce contesté ?

Attendue pour mi-2023, sa publication a été retardée à maintes reprises. Le gouvernement avait prévu de présenter un projet de loi, avant d'y renoncer en avril 2024 devant la "guerre de religion" qui oppose pro-renouvelables et pro-nucléaire, selon les termes d'alors du ministère de l'Energie de Roland Lescure.

D'où la voie d'un décret pour donner rapidement de la visibilité aux acteurs. Sauf que les retards se sont accumulés dans le sillage de la dissolution et des remaniements.

Le texte était annoncé à l'issue de la consultation du public qui a pris fin début avril. Or des appels de parlementaires à ne pas publier le décret se sont manifestés, venus d'un large échiquier allant de l'extrême droite aux centristes.

L'ex-PDG d'EDF Henri Proglio s'est invité dans la controverse en signant un courrier aux côtés de parlementaires pour dénoncer une "trajectoire imposée" et "l'idéologie des renouvelables".

Il s'agit d'une position "erronée et inquiétante", juge Nicolas Goldberg, expert chez Colombus Consulting, "alors que pendant des années, on a répété qu'il fallait une politique de l'offre (renouvelable, NDLR) pour décarboner".

"Le futur énergétique de la France ne peut plus attendre", a pressé la patronne d'Engie Catherine Mac Gregor, à l'instar d'autres énergéticiens dans l'expectative pour investir et recruter.

Calendrier incertain

Sous pression, le Premier ministre François Bayrou a proposé un débat sans vote sur la PPE, d'abord lundi à l'Assemblée, puis au Sénat le 6 mai. La date de publication du décret reste elle incertaine, même si la porte-parole du gouvernement Sophie Primas a évoqué un horizon "avant l'été". Le texte pourra faire l'objet d'"éventuelles modifications", selon elle, en fonction des débats sur la proposition de loi du sénateur LR Daniel Gremillet. Déjà adoptée en première lecture au Sénat, elle pourrait être discutée à l'Assemblée a priori le 16 juin, selon le ministère des Relations avec le Parlement.

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