"Gilets Jaunes": des figures locales pour un mouvement sans leader

Ils mobilisent sur les réseaux sociaux, organisent barrages et rassemblements, communiquent avec les médias et les autorités: des dizaines de "gilets jaunes", chômeurs, salariés ou entrepreneurs, militants aguerris ou novices, structurent au niveau local un mouvement sans leader identifié.

. Eric Drouet, 33 ans, chauffeur routier à Melun

Si ce père de famille n'aime pas se poser en "leader" du mouvement et ne s'exprime plus dans les médias, sa voix pèse dans la mobilisation.

Créée mi-octobre, sa page Facebook appelant au "blocage national contre la hausse des carburants" a été rapidement suivie par des dizaines de milliers de personnes, amorçant la mobilisation nationale du 17 novembre.

C'est "un mouvement populaire (...) totalement apolitique", dit-il. "L'idée, c'est faire différemment de ce qui s'est passé auparavant" pour "ne plus se laisser diriger et subir", précisait-il dans une récente vidéo.

. Fabrice Schlegel, 45 ans, promoteur immobilier dans le Jura

Initiateur du mouvement des "gilets jaunes" à Dole, ce père de famille se rend quotidiennement sur les cinq barrages filtrants installés autour de la ville.

Entre les sollicitations médiatiques, l'animation de la page Facebook qui compte 30.000 abonnés et son rôle d'intermédiaire avec la préfecture, ce promoteur immobilier avoue "travailler au ralenti".

Il récuse tout "essoufflement" du mouvement mais craint ne pouvoir "bientôt plus contrôler" certains: "Des gens vont se radicaliser, car nos dirigeants politiques restent murés dans le silence".

Tristan Lozach, 26 ans, conseiller funéraire dans les Côtes-d'Armor

Cheveux bruns mi-longs, lunettes carrées et parole posée, Tristan Lozach a créé le groupe Facebook "le peuple au pouvoir 22" et a rassemblé plusieurs milliers de personnes à Langueux, près de Saint-Brieuc, le 17 novembre.

Surfant sur ce "succès énorme", il espère faire "grandir la mobilisation dans les prochains jours". Refusant "toute forme de violence", il entend "organiser les choses démocratiquement et pacifiquement" grâce aux onze référents de son groupe.

. Steeven Plee, 24 ans, chômeur à Calais

"Pas un habitué des manifestations", Steeven Plee participe depuis samedi au blocage de l'A16: "Cette fois, je me suis dit qu'il fallait que j'adhère au mouvement".

Diplômé en marketing, ce Calaisien à la recherche d'un emploi en a "marre de voir (ses) parents souffrir". "Ils doivent revendre des biens immobiliers (...) qu'ils ont gagnés en faisant des sacrifices toute leur vie".

"On ne veut pas de violence, simplement manifester notre mécontentement et faire comprendre à nos gouvernants que la France d'en bas, les travailleurs, les jeunes, les retraités, n'en peuvent plus", explique-t-il.

. Pierre-Gaël Laveder, 43 ans, chômeur en Saône-et-Loire

Licencié économique de l'usine de sanitaires Allia en 2017, ce militant de la France Insoumise et de la CFDT précise avoir "rangé toutes ses étiquettes" en devenant "gilet jaune".

Celui qui s'est fait la main aux relations médias lors du mouvement social chez Allia a rejoint le mouvement à cause de la hausse du prix de l'essence, qui pèse sur le budget familial. Et parce que "politiquement, il y a un ras-le-bol", explique ce logisticien de formation, qui a repris des études de droit.

. Vincent Guinet, 34 ans, ouvrier en Côte-d'Or

Cet ouvrier dans la pétrochimie, qui a manifesté "contre les 80km/h ou la loi travail", est aujourd'hui l'un des leaders des "gilets jaunes" en Côte-d'Or.

"C'est très compliqué à gérer parce que je travaille, j'ai une famille aussi", explique celui qui s'amuse de l'aspect apolitique du mouvement: "il y a des gens d'extrême droite qui vont boire un petit coup avec des gens d'extrême gauche. On aura au moins eu cet effet coupe du monde".

. Julien Terrier, 31 ans, auto-entrepreneur à Grenoble

Sa société de rénovation et de dépannage, créée au début de l'année, tourne au ralenti depuis qu'il multiplie les réunions pour structurer l'action des "gilets jaunes" localement.

Le jeune homme, qui indique avoir été contacté par différents mouvements politiques, affirme n'appartenir "à aucun parti" et dénonce "la volonté de récupération" de l'extrême droite.

. Yoann Molot, 24 ans, chômeur à Nantes

Ce père de deux enfants habite "à plus d'une heure de Nantes" où il vient pour manifester, dormant parfois dans sa voiture.

Engagé depuis un an contre la limitation de la vitesse à 80 km/h, il est l'un des modérateurs de la page Facebook "Colère Nantes".

"Plus ça va, plus c'est difficile, je fais pas mal de route en voiture pour essayer de trouver du travail, sauf que le carburant c'est tous les jours qu'il faut en remettre".

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