Hydrogène: la France rassemble ses forces de recherche pour doper l'industrialisation

La France reste très éloignée de son objectif de production d'hydrogène décarboné d'ici 2030, malgré un doublement de sa capacité l'an passé, et a annoncé mardi un rassemblement de ses forces de recherche publique pour tenter de débloquer certaines impasses techniques.

Début 2024, la France est capable de produire 12 tonnes d'hydrogène décarboné par jour, avec une capacité d'électrolyse installée de 30 mégawatts (MW), contre seulement 13 MW début 2023, a indiqué l'association France Hydrogène au premier jour du salon Hyvolution à Paris.

"On a doublé en un an", souligne Valérie Bouillon-Delporte, directrice de l'écosystème Hydrogène au sein de Michelin, et coprésidente de l'association France Hydrogène, qui regroupe les principaux acteurs du secteur.

Cette augmentation des capacités déployées "correspond à des sites de production d'hydrogène renouvelable ou bas carbone qui ont été mis en service dans les régions, ainsi qu'à des stations de recharge avec production sur site de forte capacité (2,5 MW)", explique France Hydrogène.

Plus globalement, les projets industriels de production d'hydrogène par électrolyse qui ont bouclé leur financement et vont lancer leur construction s'élèvent au total en France à 300 MW pour 2023, soit une capacité de production de 120 tonnes d'hydrogène gazeux par jour, a ajouté Mme Bouillon-Delporte.

Néanmoins, la France reste très éloignée de son objectif affiché pour 2030 de parvenir à 6,5 gigawatts (GW) de capacité de production installée, et 10 GW en 2035, a-t-elle convenu.

"Ce qui n'a pas permis d'aller aussi vite qu'attendu, c'est le contexte réglementaire", qui jusqu'ici ne permettait pas aux investisseurs d'avoir suffisamment de "visibilité" et de maîtrise du risque, a-t-elle expliqué.

L'effort à réaliser est immense, "mais il n'y avait rien du tout en 2020", a-t-elle relevé en soulignant qu'avec 300 MW de capacité financée, "la France est sur le podium des trois premiers pays en Europe" derrière la Suède (1.400 MW de capacité sécurisée) et l'Allemagne (550 MW).

L'hydrogène, à condition qu'il soit produit dans des conditions propres sans émettre de CO2, est considéré comme crucial pour la transition écologique et énergétique en cours.

Il sert aussi bien à décarboner l'industrie lourde comme la sidérurgie, la pétrochimie, les engrais ou la cimenterie (qui sans lui ne pourront abandonner ni pétrole ni le charbon ni le gaz, ni réduire leurs émissions de CO2), qu'à alimenter les transports lourds ou intensifs.

Mis à part les problèmes réglementaires, certaines impasses techniques empêchent encore le secteur de l'hydrogène propre de décoller au plan industriel en France, notamment pour que l'électrolyse sous ses différentes techniques soit rentable par rapport à la production d'hydrogène actuelle (à partir de gaz, une technique nommée vapo-réformage, NDLR) très fortement émettrice de CO2.

- Regroupement -

Mardi, dix-neuf universités et organismes de recherche publics français se sont engagés ensemble dans un programme de recherche destiné à accélérer l'industrialisation d'innovations, pour faciliter l'émergence d'une filière française d'hydrogène décarboné.

Le programme, baptisé H2DEC, porte sur un budget de 13,2 millions d'euros sur cinq ans, et vise à réaliser des démonstrateurs et prototypes à partir d'inventions émanant de la recherche fondamentale et d'un autre grand programme de recherche lancé en 2021 sur huit ans, avec un budget de 83 millions d'euros.

Il va tenter de faire sauter des verrous et difficultés technologiques en matière de production, stockage et conversion de l'hydrogène décarboné, a indiqué à l'AFP Catherine Guillemin, présidente d'une société d'accélération de transfert de technologie (SATT).

"Au total, le programme H2DEC réunit deux tiers de la recherche publique française, c'est la première fois qu'il y a de tels regroupements à l'échelle nationale des forces publiques de recherche", a-t-elle déclaré.

Signe de l'évolution de l'hydrogène vers les transports lourds, TotalEnergies et Air Liquide ont lancé mardi au salon leur startup commune, Teal Mobility, pour construire ensemble un réseau de 100 stations hydrogène pour les routiers sur les grands axes européens. 24 sont prévues en France, dont six déjà comptabilisées par France Hydrogène.

Au total, 69 stations de recharge d'hydrogène sont ouvertes en France sur les 197 recensées par France Hydrogène, pour alimenter bus, bennes à ordures ménagères, berlines, ou utilitaires.

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