Le Sénat a remanié jeudi le projet de loi sur l'industrie verte pour mieux associer les collectivités, et en particulier les maires, à l'objectif du gouvernement de réindustrialiser la France tout en favorisant la transition écologique.
Au centre des débats jeudi matin, l'article 9 du texte, qui prévoit que pour des "projets d'intérêt national majeur", telles que les "gigafactories", l'Etat prenne la main par décret sur l'intégralité des procédures d'implantation.
Au moment de la présentation du projet de loi en Conseil des ministres, l'Association des maires de France (AMF) s'était "opposée vigoureusement" à cette disposition, dénonçant une "ingérence dans les compétences des collectivités territoriales en matière d'aménagement du territoire".
Le gouvernement s'était dit "ouvert" à des aménagements, mais la formule retenue par le Sénat ne le satisfait pas.
Elle "rallonge les procédures, introduit un peu d'ambiguïté", a regretté le ministre de l'Industrie Roland Lescure.
Les sénateurs, majoritairement de droite, ont prévu de "garantir la participation effective des collectivités à toutes les étapes de la procédure", a indiqué le rapporteur Laurent Somon (LR), notamment en conditionnant les évolutions des documents d'urbanisme à un "avis conforme" de celles-ci.
"Pour sortir de la logique jacobine promue par le gouvernement", ils souhaitent aussi permettre aux régions, et pas seulement à l'exécutif, "de faire reconnaître des projets industriels d'intérêt national majeur".
Le ministre a tenté sans succès de faire se rallier le Sénat à une autre rédaction, proposée par Bernard Buis (RDPI à majorité Renaissance), selon laquelle le maire pourrait s'imposer à un projet d'implantation, mais "au début" de la procédure.
"Nous sommes pour, évidemment, le mot final (accordé aux territoires, ndlr), mais plutôt au début", a résumé Roland Lescure.
- "Assurance vie" -
"On parle d'un ou deux projets par an, qui nous font passer dans la ligue mondiale", a-t-il argumenté. "Pour lequel on est en compétition avec le monde entier (...) et pour lequel nous devons pouvoir donner de la visibilité aux investisseurs internationaux et leur donner un interlocuteur unique".
La gauche a elle défendu la suppression pure et simple de l'article. Il "met à mal le principe de non régression du droit de l'environnement", selon l'écologiste Daniel Salmon, tandis que pour le socialiste Franck Montaugé, il "organise clairement l'ingérence de l'Etat".
"L'intérêt national majeur ne peut pas se faire sans les élus locaux et la population, parce qu'autrement, un certain nombre de projets sont voués à l'échec", a renchéri le communiste Fabien Gay.
Autre point de divergence entre le Sénat et le gouvernement, la question de l'artificialisation des sols, débattue concomitamment dans l'hémicycle de l'Assemblée nationale via une proposition de loi dédiée, d'origine sénatoriale.
Contre l'avis du gouvernement, les sénateurs ont tenu à faire figurer dans le projet de loi industrie verte le principe de l'exclusion du décompte du ZAN (objectif de "zéro artificialisation nette des sols" en 2030) les implantations industrielles concourant à la transition écologique ou à la souveraineté nationale.
Un ajout "qui nous fait revenir en arrière par rapport aux avancées de l'Assemblée", a estimé le ministre. Mais pour la présidente de la commission des Affaires économiques Sophie Primas (LR), il s'agit de "prendre une assurance vie", en attendant que les parlementaires formalisent un accord sur la proposition de loi ZAN.
Le Sénat a par ailleurs accepté un amendement du gouvernement visant à "accélérer la transformation de zones commerciales" afin qu'elles puissent accueillir des activités industrielles.
Les sénateurs doivent achever jeudi l'examen en première lecture du projet de loi industrie verte. Il leur reste à étudier le volet financier, dont la mesure phare est la création d'un plan d'épargne vert pour les jeunes.