Le contexte
En 2009, à la Conférence climat de Copenhague, les pays riches s'engagent à porter à 100 milliards de dollars par an en 2020 l'aide aux pays du Sud pour la lutte contre les changements climatiques (mesures d'adaptation et de réduction des émissions). Dix ans plus tard, ils en sont loin: l'aide n'atteignait que 79,6 milliards en 2019, selon les derniers chiffres publiés en septembre par l'OCDE.
Les Etats-Unis ont depuis annoncé doubler leur aide, ce qui ne permettra toutefois pas de combler l'écart. Le Canada et l'Allemagne consultent de leur côté pour proposer un plan de financement d'ici l'ouverture de la COP26 à Glasgow.
Les pays développés sont historiquement les principaux émetteurs de gaz à effet de serre. Le Premier ministre britannique Boris Johnson, hôte de la COP26, rappelait récemment devant l'ONU que son pays, pionnier d'une révolution industrielle basée sur les énergies fossiles, avait "été le premier à envoyer dans l'atmosphère assez d'âcres fumées pour détraquer l'ordre naturel". "Nous comprenons que quand les pays en développement se tournent vers nous pour les aider nous devons assumer nos responsabilités".
Tenir cet engagement vieux de dix ans des pays développés sera crucial pour établir la confiance et accélérer la réponse mondiale au changement climatique"
Les enjeux pour la COP26
C'est avant tout la confiance dans le processus de diplomatie climatique. Ce manque de financements "coûte des vies et des moyens d'existence", souligne dans une déclaration sur Glasgow Sonam P. Wangdi, président du groupe des Pays les moins avancés. "Tenir cet engagement vieux de dix ans des pays développés sera crucial pour établir la confiance et accélérer la réponse mondiale au changement climatique".
Car un succès à la COP suppose d'élaborer "un programme qui doit présenter un équilibre juste" afin que toutes les parties l'acceptent, expliquait à l'AFP Patricia Espinosa, responsable climat de l'ONU, en marge d'une "pré-COP" début octobre à Milan. "Donner une bonne perspective (sur les 100 milliards) instaurerait la confiance et nous permettrait de faire des progrès sur d'autres sujets".
"On peut s'attendre à un sentiment d'urgence et peut-être une position plus tranchée des pays" du Sud, estime Alden Meyer, du cercle de réflexion E3G. Et un "programme de solidarité crédible" sera un "facteur clé" pour avancer les négociations.
Même analyse pour Andreas Sieber, du Climate Action Network qui fédère plus de 1.500 ONG climat. "Si la COP26 veut commencer sur de bonnes bases", il faut "montrer que les pays développés vont respecter et même dépasser leur promesse".
100 milliards...seulement ?
De nombreux acteurs et experts considèrent en effet que ce montant de 100 milliards est désormais largement insuffisant, alors que les effets du réchauffement s'accélèrent avec la recrudescence catastrophique de sécheresses, incendies géants, ouragans, inondations...
Et l'enveloppe fait pâle figure comparée aux milliers de milliards des plans de relance post-Covid, dont le manque d'ambition environnementale a d'ailleurs été souvent critiqué.
Une mobilisation qui "pose question: si une pandémie peut déclencher une réponse si rapide et d'une telle ampleur, le monde peut certainement trouver la volonté d'agir avec le même esprit de décision et d'urgence face à la crise climatique", tançait en décembre 2020 un groupe d'experts indépendants de l'ONU. Pour eux, pas de doute: "l'objectif de 100 milliards doit être compris comme un plancher, pas comme un plafond".
L'ancien président des Maldives Mohamed Nasheed, "ambassadeur pour l'ambition" du Climate Vulnerable Forum (CVF), qui représente un milliard de personnes de 48 pays, propose lui d'élargir la question des financements aux dettes souveraines.
"Nous sommes sous pression au point de n'avoir peut-être plus de pays. Et si nous ne sommes plus là il nous sera difficile de payer nos dettes. Donc il est raisonnable que les pays vulnérables appellent leurs créditeurs à restructurer leur dette (...) en échangeant les remboursements pour des projets de résilience climatique", expliquait-il lors d'un récent briefing.
Symbole et (in)justice
Les 100 milliards illustrent ainsi un débat plus large sur la "justice climatique", qui recoupe souvent ceux sur les inégalités ou la mondialisation.
Côté climat on peut y trouver la question controversée des "pertes et préjudices"... et des responsabilités financières éventuelles. Ou la répartition des futures baisses d'émissions: des pays comme la Chine ou l'Inde, aujourd'hui gros émetteurs, arguent qu'ils ont toujours un retard de développement à rattraper. Sans compter le mouvement des jeunes, qui fustige l'inaction des générations au pouvoir.
La jeune activiste ougandaise Vanessa Nakate, 24 ans, résume les enjeux. "Les populations les moins responsables de la hausse des émissions font face au pire de la crise climatique, là, tout de suite".
Avec AFP.