Encore loin du compte. Alors que les appels d'urgence se multiplient face au déclin alarmant de la biodiversité à l'échelle mondiale -qualifié "d'extinction de l'Holocène", une étude publiée mercredi 28 octobre par l’initiative internationale Portfolio.earth vient mettre en lumière la "réticence" des grandes banques à "agir face à la crise", et l'absence généralisée de "stratégies à cet effet". "L'analyse des politiques de ces banques en matière de biodiversité a révélé qu'aucune d'entre elles ne dispose d'un système suffisant pour mesurer, signaler et radicalement réduire l'impact écologique de ses activités financières", déplorent ainsi les auteurs.
Pis, en 2019, les 50 plus grandes banques mondiales auraient investi quelque 2 600 milliards de dollars "dans des secteurs aujourd'hui considérés par les gouvernements et la communauté scientifique comme les principaux moteurs de la destruction de la biodiversité". Dans le détail, "la majorité des financements évalués (66 %) concernaient des activités entraînant directement la perte de biodiversité (par ex. la pêche, l'exploitation minière) et 34 % des fonds étaient investis dans des entreprises indirectement responsables de la perte de biodiversité (par ex. en stimulant la demande au sein de la chaîne d'approvisionnement pour la vente au détail ou la transformation et le commerce des ressources, comme le secteur de la construction qui crée une demande en matières premières)".
Pourtant, poursuit l'étude, la nature est aujourd'hui non seulement essentielle à la vie et à la survie de l'espèce humaine, mais également à l'économie, alors que la moitié du PIB mondial proviendrait aujourd'hui "de la nature et des services qu'elle assure, tels que la pollinisation, la qualité de l'eau et le contrôle des maladies". Pour amorcer un changement, les auteurs appellent entre autres les banques à réduire drastiquement leur impact négatif sur la nature, les gouvernements à cesser de "protéger" ces dernières et à redéfinir "les règles qui régissent le secteur financier" ou encore les citoyens à se mobiliser pour "décider comment leur argent sera investi".
Parmi les 10 banques les plus exposées aux activités nuisibles à la biodiversité, quatre sont américaines, trois sont japonaises et trois sont européennes, dont BNP Paribas qui occupe la sixième place. Le Crédit Agricole, Société générale, BPCE et le Crédit Mutuel se trouvent également dans ce triste top 50 : au total, les financements "toxiques" de ces grandes banques françaises auraient atteint près de 315 milliards de dollars en 2019.
*Lancée récemment, l'initiative portfolio.earth se définit comme "un collectif d'individus travaillant à la mise en lumière du rôle de l'industrie financière dans la destruction de la nature". Mario Rautner (spécialiste forêt et déforestation) et Liz Gallanger (spécialiste climat/ONG) font partie des principaux auteurs de l'étude, qui s'est penchée sur les "flux financiers fournis par 50 banques sous forme de prêts et de services de souscription à une sélection de secteurs considérés comme ayant un impact substantiel sur la biodiversité".