À l’aube d’une nouvelle année, Morningstar a listé "six principales menaces pour l'investissement durable en 2023" dans un nouveau rapport.
Les forces anti-ESG
Les mouvements anti-ESG constituent la première de ses menaces selon Morningstar. Émergeant principalement aux États-Unis, ces forces visent à empêcher les entreprises de suivre des principes d'investissement soucieux de l'environnement et de la société.
"L’ESG pourrait faire face à de nouveaux défis aux États-Unis à partir du 3 janvier, lorsque le Parti républicain prendra le contrôle du Congrès américain. Cela pourrait entraîner des audiences ou d'autres tentatives de discréditer l'ESG, y compris, par exemple, une proposition de loi, présentée au Sénat, pour protéger les agriculteurs des prochaines règles de divulgation climatique de la SEC", déclare à ce propos Leslie Norton, directrice éditoriale pour la durabilité chez Morningstar.
"Prendre du recul sur le climat"
Le rapport craint deuxièmement une prise de "recul sur le climat", et ce alors que la COP 27 "a déçu les partisans de l’ESG". Estimant que la "priorité" de nombreux gouvernements était devenue "celle de la sécurité énergétique", Morningstar redoute une montée en puissance des "lobbies des énergies fossiles".
"En ce qui concerne l'avenir de l'énergie, nous devons émettre beaucoup moins de carbone qu’aujourd’hui", affirme Michael Field, stratège marché européen chez Morningstar. "Pour que cela se produise, les investissements dans des sources de carburants plus propres devront augmenter considérablement au cours des prochaines années, car dans l'état actuel des choses, nous n'entamons tout simplement pas la trajectoire des émissions de carbone, qui poursuit sa tendance à la hausse presque sans relâche".
Le greenwashing
Le greenwashing constitue quant à lui la troisième menace pour l’ESG en 2023. Reprenant notamment l’exemple de la Deutsche Bank et son gestionnaire d’actifs DWS, perquisitionnés en mai pour soupçons d’écoblanchiment, Morningstar affirme que "les régulateurs de nombreux pays tentent de résoudre ce problème et quelque chose pourrait changer en 2023."
Pour Hortense Bioy, Global Head of Sustainability Research chez Morningstar : "Naviguer sur le marché des fonds ESG et durables restera un défi en 2023 alors que les accusations de greenwashing s'intensifient. Les régulateurs sont déterminés à réprimer les allégations ESG trompeuses afin de protéger les investisseurs finaux. Cela est bien sûr nécessaire pour restaurer la confiance car il y a beaucoup de cynisme en ce moment à propos des produits ESG".
Le "déclassement" des fonds "vert foncé"
Quatrièmement, Morningstar met l’accent sur la rétrogradation de nombreux articles SFDR. Lors du dernier semestre, 41 produits ont été "rétrogradés à l'article 8 à partir de 9, et d'autres devraient suivre dans les mois à venir."
"Les exigences de divulgation de niveau 2 du SFDR devraient aider les investisseurs à obtenir plus de clarté sur les stratégies ESG disponibles. Les gestionnaires d'actifs, cependant, continueront d'opérer dans un environnement réglementaire incertain et en évolution rapide", a d’ailleurs affirmé Hortense Bioy.
Le manque de standardisation des informations ESG clés
Le rapport affirme également que la bonne santé de l’investissement responsable passera par une standardisation des informations ESG. "En ce qui concerne la divulgation des produits ESG, le régime le plus avancé reste le régime de divulgation de la finance durable de l'UE, ou SFDR, un élément clé du plan d'action plus large de l'UE. C'est simple pour les produits domiciliés ou investis en Europe, mais ceux en dehors de l'UE ne sont pas liés par les mêmes restrictions, ce qui rend la comparaison directe presque impossible", confie Andy Pettit, directeur de la recherche sur les politiques chez Morningstar EMEA. "Ces difficultés sont susceptibles de s'aggraver à mesure que de plus en plus de pays développent leurs propres taxonomies et cadres de classification, chacun avec un ensemble unique d'exigences et de délais".
Sous performance
Enfin, Morningstar estime que "l'environnement macroéconomique et la crise énergétique actuelle" pourraient constituer une mise à l’épreuve pour la performance des fonds ESG. "En 2022, la performance des fonds ESG a souffert des prix élevés des combustibles fossiles, car les fonds ESG ont tendance à être sous-pondérés dans les sociétés énergétiques traditionnelles, alors qu'ils surpondèrent le secteur technologique", note Hortense Bioy à ce propos.