Sur le littoral, les communes exposées à la récurrence des phénomènes de vague-submersion, comme ce week-end, multiplient les initiatives pour tenter de freiner l'érosion du trait de côte, des digues amovibles au transfert de sable en passant par la modélisation scientifique.
Au Pays basque, qui compte 35 kilomètres de côte sableuse et rocheuse, plus de 500 habitats individuels et collectifs et une quarantaine de commerces sont menacés d'ici 20 ans par la montée des eaux et ses conséquences, estime la Communauté d'agglomération.
Avec huit communes côtières qui concentrent 40% de la population, celle-ci prévoit 242 millions d'euros d'investissements pour adapter la gestion des lieux. "Ce sont des arbitrages assez difficiles, entre les enjeux pour les personnes et l'activité économique", commente Matthias Delpey, responsable recherche et développement de Rivages Pro Tech.
Ce centre d'expertise spécialisé dans la gestion des milieux aquatiques, filiale de Suez, a été créé en 2014 au Pays basque pour "anticiper la gestion de crise" et étudier l'impact des tempêtes et inondations côtières.
Cette année-là, les tempêtes hivernales avaient causé pour 500.000 euros de dégâts à Biarritz (Pyrénées-Atlantiques), rappelle Michel Laborde, adjoint au maire chargé de l'aménagement du littoral. Depuis, la Ville a développé une stratégie sur plusieurs fronts.
Aidée par Rivages Pro Tech, elle a mis en place six seuils d'alerte face au risque de submersion. "On n'observe pas forcément une hausse de la fréquence mais des phénomènes plus forts", affirme l'élu. "Ce que l'on sait, c'est que le niveau de l'eau monte et que si la tendance se poursuit, la fréquence des épisodes va s'intensifier", renchérit Matthias Delpey.
- Vulnérabilité -
La Ville, lancée dans des travaux massifs de renforcement de ses falaises, a aussi déployé de gros sacs de sable, puis un dispositif de digues amovibles mis au point par la société "Wave Bumper".
Testée pour la première fois à Biarritz en 2016, cette solution a depuis séduit plusieurs villes du littoral atlantique comme La Rochelle (Charente-Maritime), Capbreton (Landes) ou La Tranche-sur-Mer (Vendée), ainsi que des communes méditerranéennes comme Saint-Cyprien (Pyrénées-Orientales) ou Vallauris (Alpes-Maritimes).
"On travaille sur l'impact des vagues sur des zones données, en fonction de leur vulnérabilité", explique l'inventeur, Romain Chapron.
La Tranche-sur-Mer a investi, fin 2022, environ 150.000 euros pour déployer ce système sur 80 mètres linéaires de la plage du Rocher, la plus exposée à l'érosion marine.
Fin 2023, le littoral vendéen a été frappé par de nombreuses tempêtes. Avec un an de recul, le maire constate que "le niveau de sable est remonté sur la plage et que la dune, au-dessus des blocs, s'est reconstituée".
- Tuyau -
Le laboratoire transfrontalier Kostarisk, entre France et Espagne, travaille, lui, à des solutions fondées sur la science, en orientant les sujets de recherche vers les problématiques du terrain. "L'état actuel des connaissances ne permet pas de bien gérer ces risques, ni de les appréhender", justifie Matthias Delpey, également co-directeur de ce laboratoire.
Autre outil, un suivi aérien du recul du trait de côte, à hauteur de Labenne et Capbreton dans les Landes, a été entrepris par la société Evotech. Grâce à des vols en ULM, elle a assemblé des milliers de photos pour mesurer l'impact des tempêtes de l'automne 2023.
"On voit que beaucoup de sable se déplace, que les tempêtes ont cassé les arêtes et arrondi les crêtes", relève Anthony Gavend, fondateur d'Evotech. L'entreprise propose aussi un "Flood simulator" pour modéliser en 3D une crue ou un épisode de vague-submersion sur un territoire.
Capbreton a également opté, depuis plusieurs années, pour un transfert de sable entre ses plages du Nord, plus fournies grâce à la dérive sédimentaire des courants, et celles du Sud. "On le transfère par tuyau hydraulique, c'est une technique qui vient d'Australie mais on est les seuls à l'utiliser en Europe", souligne l'élu chargé du littoral, Jean-Luc Aschard.
En parallèle, la commune qui consacrera 13 millions d'euros dans les 5 ans à venir à l'entretien de son trait de côte, collabore avec l'Université de Bordeaux pour modéliser la dérive sédimentaire et l'impact du gouf de Capbreton, ce vaste canyon sous-marin qui s'enfonce jusqu'à 3 kilomètres de profondeur au large du port.