Encombrants, déchets d'activités économiques, mobilier... Que faire de nos rebuts non recyclables? Des combustibles pour chaudières industrielles, répondent les entreprises des déchets, alors que Bruxelles vient d'autoriser la France à aider ces projets.
Annoncés depuis des années, les "combustibles solides de récupération" (ou CSR) devraient gagner du terrain, avec de gros projets portés aujourd'hui par des industries désireuses de se passer de charbon et même de gaz.
Selon l'Ademe, le facteur d'émission de CO2 des CSR est de 20% à 30% inférieur à celui du gaz.
A ce jour, si l'on excepte leur utilisation historique par les cimentiers, seule une poignée de chaufferies fonctionnent dans l'Hexagone: la première depuis 2017 à Laval pour une coopérative agricole, couplée au réseau de chaleur local, une autre en Alsace dans une papeterie, selon l'Agence de la transition écologique, qui attend 17 démarrages sur 2024-25.
"Il faut faire émerger cette filière: on met trop de déchets en décharge, et on brûle trop de fossiles," soutient Frédéric Giouse, du Syndicat des bureaux d'étude en énergie (SN2E). Les CSR, "c'est une matière noble!", dit-il, depuis le salon Pollutec.
Des déchets, mais pas n'importe lesquels
Le principe même du CSR est qu'il doit avoir un "haut pouvoir calorifique".
Pour cela il lui faut des matières sèches, riches en plastiques, bois, papier... non recyclables actuellement : déchets de mobilier, encombrants de déchèteries, ou même refus de tri des collectes d'emballages (poubelle jaune)...
Criblé, déferraillé, calibré, stockable et transportable, le CSR doit aussi être exempt d'indésirables comme le chlore ou le brome de certains plastiques. Il impose donc un process de tri supplémentaire, qui commence à faire émerger en France des "usines de CSR".
Pour les pouvoirs publics, c'est d'abord un enjeu pour les déchets, la loi de 2015 imposant de diviser par deux d'ici à 2025 les mises en décharge.
Ces rebuts pourraient certes partir en incinérateurs, dont la plupart font aujourd'hui de la valorisation énergétique. Mais le CSR a un pouvoir calorifique supérieur, situé entre le bois et les combustibles fossiles, note Karine Filmon, cheffe du service Valorisation déchets à l'Ademe.
"Il a un réel intérêt environnemental, en termes de CO2 évités, comme d'indépendance énergétique", souligne-t-elle.
La France, via l'Ademe, a choisi de soutenir particulièrement les projets industriels, très dépendants des énergies fossiles, charbon notamment. Et depuis la crise de l'énergie, le CSR est devenu compétitif aussi face au gaz.
- Quel potentiel énergétique? -
Ainsi dans la "vallée de la chimie", au sud de Lyon, Suez prépare pour DOMO Chemicals un projet de chaudière destinée à remplacer le gaz. La première de Rhône-Alpes Auvergne, explique Vincent Borel, directeur au développement de Suez dans le Sud-Est.
Cette grosse infrastructure de 85 MW devrait traiter 200.000 tonnes de CSR par an, issus de la métropole et préparés sur place, pour produire chaleur thermique et électricité -- au moment où la région veut alléger son enfouissement d'1 million de tonnes.
"Nous voulons développer ces projets de solutions de chauffage locales," explique M. Borel, qui compte démarcher les autres entreprises de la zone.
Car pour être optimisés, ces projets à plusieurs dizaines de millions d'euros, doivent fonctionner en continu - ce qui ne les rend pas forcément adaptés au chauffage d'habitat, plus saisonnier, expliquent les opérateurs.
En revanche, les clients dépassent la seule industrie lourde, avec en Vendée une scierie, dans le Tarn une usine de gélatines...
Les CSR figurent ainsi désormais dans les prévisions énergétiques de la France, et la planification écologique récemment présentée par le gouvernement.
Les calculs, faits en fonction du potentiel de gisement, avancent un objectif de 4 millions de tonnes valorisées d'ici 2030 (trois millions en chaufferies industrielles, un million en cimenteries).
Pour cela, de nouveaux appels d'offres sont prévus, l'UE venant d'autoriser Paris à soutenir ces projets dans le cadre du régime exceptionnel Ukraine, pour un maximum de 300 millions d'euros sur deux ans. Dans l'immédiat, l'Etat a prévu 100 millions l'an prochain.
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