Les semences florissantes mais menacées par des risques climatiques et géopolitiques

Le secteur des semences en France, poids lourd mondial, est fragilisé par des risques climatiques comme géopolitiques, a affirmé mardi Semae, l'interprofession qui regroupe tous les acteurs de la filière.

"Le secteur reste assez dynamique, la France est toujours première exportatrice mondiale de semences, mais nous faisons face à une érosion constante du nombre d'agriculteurs multiplicateurs", c'est-à-dire engagés dans la production de semences, a déclaré Pierre Pagès, président de Semae et lui-même agriculteur dans le Gers.

Ces agriculteurs multiplicateurs, qui ont un cahier des charges pour les semences plus contraignant que celui appliqué aux cultures directement destinées au marché, sont passés de 17.194 en 2022 à 16.636 en 2024, tandis que les surfaces consacrées à la production de semences ont baissé de 2% sur un an, a-t-il détaillé.

Cette "campagne sous tension" s'explique, selon M. Pagès, par "le manque de perspectives pour les agriculteurs", qui sont plus nombreux à renoncer, étant de plus en plus confrontés à des "risques climatiques", mais aussi "géopolitiques".

"Le changement climatique s'accélère et avec lui apparaissent de nouveau ravageurs (insectes, champignons, etc.) La migration de ces ravageurs, qui progressaient habituellement de 20 à 30 km par an, du Sud vers le Nord, est passée à 100 voire 150 kilomètres par an", a-t-il affirmé.

Dans le même temps, "on voit se multiplier les retraits de molécules" du marché - et donc de produits pesticides -, "ce qui prive les agriculteurs de solutions face à ces ravageurs", a-t-il poursuivi.

"Cela met en danger des filières de production, comme celles des semences de radis, de trèfles ou d'épinards. On ne manquera pas de semences en France, mais elles seront parfois produites ailleurs", a-t-il ajouté, donnant l'exemple des semences de radis, que la France ne produit "presque plus" alors qu'elle était le leader mondial il y a une dizaine d'années.

La géopolitique pèse aussi: "La Russie s'est fixé comme objectif la souveraineté semencière en 2030" et y travaille "à marche forcée", surtout depuis l'invasion de l'Ukraine, a souligné François Desprez, vice-président de Semae.

La Russie, qui achetait plus de "50 millions d'euros de semences de tournesol" avant 2023 n'en achète plus que 8 ou 9 millions de tonnes aujourd'hui, a-t-il relevé.

Autre exemple: l'Algérie qui, selon lui, "boycotte les plants de pomme de terre français", alors qu'elle en achetait en général 10 à 15.000 tonnes par an. "On constate que les importateurs algériens ont du mal à obtenir des licences pour acheter français", a relevé M. Desprez, même sans appel officiel au boycott.

En dépit de ces inquiétudes, la France a vu ses exportations de semences augmenter de 6% en 2023-24 par rapport à la campagne précédente. Le chiffre d'affaires du secteur s'élève à 3,9 milliards d'euros, dont près de 60% réalisé à l'export.