L'usage de l'intelligence artificielle (IA) commence à se développer chez les sapeurs pompiers avec la création de l'association SIS Lab IA qui teste déjà plusieurs algorithmes dans l'Ain, le Doubs, la Haute-Garonne et le Rhône. Hugues Deregnaucourt, qui dirige les pompiers de l'Ain et l'association, fait le point pour l'AFP sur ses premiers usages.
QUESTION : Comment l'IA est-elle utilisée aujourd'hui par les pompiers ?
REPONSE: "Il existe trois modèles pour l'instant, utilisés dans les quatre SDIS (services départementaux d'incendie et de secours, NDLR) de l'association. Un modèle de prévision, c'est-à-dire que sur un secteur donné, le modèle nous donne la meilleure couverture de sécurité incendie et de secours possible d'un territoire avec les ressources qu'on a. C'est un peu comme si vous faisiez une étude de marché pour implanter un supermarché.
Aujourd'hui, on cherche à améliorer ce modèle, à le faire varier en fonction de nos bases, de notre activité, des constantes extérieures, la météo, les flux de circulation, etc. Pour demander : comment, à T+2 ou 3 heures, on imagine le flux d'appels ? Ca ne va pas prévoir un bus qui tombe d'un pont. Mais si on est juste et qu'on prévoit que dans deux ou trois heures, il pourrait se passer quelque chose, ça nous permet d'identifier les potentielles zones de rupture dans notre territoire. On pourrait faire de la +recouverture+, on pourrait différer les départs de façon à optimiser la réponse.
Il existe un second modèle, qui aide l'opérateur d'appels à orienter ses questions. Quand il y a quelques mots qui sont prononcés, la vitesse, la langue, on peut vite imaginer ce que ça peut être à l'arrivée. C'est ça qu'on veut automatiser.
Après, il y a tout ce qui est dans le domaine du fonctionnel, comme des moteurs de recherche dans nos données."
Q: Quelle est l'efficacité de ces modèles ?
R: "On commence à en voir l'efficacité. On commence à se dire +là, il y a un engin de trop+, +là, il faudrait plus de monde la nuit ou la journée+, +là, la défense de cette commune n'est pas optimale+. Mais les champs possibles sont énormes. Et demain, ce sera plus simple car tous les SDIS utiliseront un seul système de gestion opérationnelle, ce qui n'est pas le cas pour l'instant. Aujourd'hui, on a un taux de satisfaction de 90% sur l'algorithme de prédiction. Mais on n'atteindra jamais le 100%. Ca ne nous dit pas ce qui va se passer, c'est une aide. On ne se passera jamais de métier et d'expérience."
Q: A l'avenir, quels autres usages peut-on imaginer pour l'IA au service des sapeurs-pompiers ?
R: "Nous sommes assis sur une mine d'or d'informations. Ne serait-ce que par rapport aux 16 millions d'appels et aux 4,6 millions d'interventions chaque année. Sur des fonctions administratives notamment, l'IA peut nous permettre de gagner du temps.
Par exemple, quand on intervient chez quelqu'un, il nous demande généralement une attestation d'intervention, pour l'assurance. Si on avait une application automatisée, même s'il faut toujours quelqu'un qui puisse répondre au téléphone pour ceux qui ne savent pas aller sur internet, ce serait un gain de temps énorme.
Sur les appels, on peut imaginer que c'est l'IA qui pose d'abord les questions et après, l'opérateur prend la main pour la partie métier, la partie la plus sensible. Mais entre une urgence et un renseignement, l'IA peut faire un tri. Une plateforme de +débruitage+ de tous les appels d'urgence serait optimale avec l'utilisation de l'IA."