Pannier-Runacher menace à son tour de claquer la porte de la fragile coalition Barnier

La menace de démission d'une macroniste de la première heure, Agnès Pannier-Runacher, quatre jours après celle de Didier Migaud, ébranle encore un peu plus une "coalition" gouvernementale tiraillée quant à ses choix budgétaires, sur fond de colère d'Emmanuel Macron contre "le manque de professionnalisme" de certains ministres.

"Nous ne sommes pas en cohabitation", avait juré Michel Barnier. Vraiment? La coalition entre LR et la macronie, cette dernière ne cachant plus ses divergences entre "ailes" droite et gauche, montre sa grande fragilité, d'abord à l'épreuve de l'examen du budget 2025.

Vendredi, la ministre de la Transition écologique et de l'Energie, Agnès Pannier-Runacher, a réclamé sur BFMTV "un budget qui soit à la hauteur de la situation". Celle qui se qualifie "de gauche" prévient: "Si je n'ai pas (les moyens de mon action), j'en tirerai les conclusions", comprendre sa démission du gouvernement.

Il s'agit bel et bien d'un "dernier recours", a ensuite tempéré son entourage.

Mais la sortie intervient quatre jours après celle de son collègue garde des Sceaux, Didier Migaud: "Je ne vois pas ce que je ferais encore au gouvernement" si le budget de la Justice n'était pas amélioré, grondait lundi l'ex-socialiste, affirmant toutefois que le Premier ministre lui avait "donné des assurances".

"Ils ne vont pas quitter le navire, c'est toujours comme ça au moment de l'examen du budget. Là c'est plus bruyant car on est dans une démarche de coalition", tempère à l'AFP l'ancienne porte-parole du gouvernement, aujourd'hui députée macroniste, Prisca Thevenot.

Mais ces coups de pression, banals lors des discussions d'"arbitrages" dans les palais de la République, sont tout de même beaucoup plus rares lorsqu'ils s'expriment publiquement.

Et non sans risque: en juillet 2013, il n'avait fallu que quelques heures à François Hollande pour limoger sa ministre de l'Ecologie, Delphine Batho, qui avait fustigé à la radio la baisse des crédits alloués à son portefeuille.

- "pas capable de travailler ensemble" -

La solidité de l'attelage gouvernemental est d'autant plus remise en cause que les bourrasques, venues de toute part, se multiplient.

A droite, la rupture par Laurent Wauquiez du pacte qu'il avait noué avec Gabriel Attal pour la répartition des postes-clés à l'Assemblée nationale - au bénéfice de LFI, qui est parvenu à obtenir la tête de la commission des Affaires économiques - a mis en doute la solidarité au sein du gouvernement.

A la gauche de la macronie, les saillies très droitières du ministre de l'Intérieur, Bruno Retailleau, suscitent des hauts le coeur, que ce soit sur l'Etat de droit pas "sacré" ou l'Aide médicale d'Etat (AME) pour les étrangers sans papiers qu'il souhaite restreindre.

"Ça fait un mois qu'on donne publiquement la sensation de ne pas être capable de travailler ensemble", commente Ludovic Mendes, porte-parole du groupe des députés macronistes à l'Assemblée. "Ce n'est pas la sortie d'Agnès Pannier-Runacher qui nous inquiète, mais le fait qu'on ait envie de caresser les représentants de l'extrême droite (...) c'est ça qui met en difficulté le socle commun".

Prisca Thevenot se veut aussi virulente avec des Républicains qui se comportent "toujours comme s'ils étaient dans l'opposition".

Réplique de LR: "Quand on accepte de faire partie d'une aventure, même temporaire, on essaye de peser et convaincre en coulisse, ce n'est pas dans les médias que se font les arbitrages".

Jeudi soir, depuis Bruxelles, Emmanuel Macron s'en est pris vertement aux "ministres" de manière indifférenciée. La cause de l'ire présidentielle ? Des fuites dans la presse concernant des propos sur la création de l'Etat d'Israël qui ont valu au chef de l'Etat de vives critiques, notamment du Premier ministre Benjamin Netanyahu.

- "manque de professionnalisme" -

Emmanuel Macron a notamment pointé "un manque de professionnalisme" des ministres "qui ont répété des propos déformés".

Saine colère ou démonstration de fébrilité? Les deux mois qui ont séparé l'élection de la nouvelle Assemblée de la constitution du gouvernement n'ont pas permis de se prémunir d'une crise politique, tant l'exécutif apparaît plus que jamais sous la menace d'être renversé.

Une motion de censure à laquelle le RN se réserve le droit de participer. Dès l'examen du budget? "Nous avons une fenêtre de tir matin, midi et soir", sourit Marine Le Pen en privé.