Début 2024, nous envisagions en revanche le contraire, à savoir qu’un début de convergence transatlantique serait susceptible de se former à partir du second semestre de l’année. Les récentes statistiques économiques semblent accréditer ce scénario, avec cependant de l’avance sur le calendrier, mais est-ce vraiment le cas ? D’autre part, comment cela se traduit-il sur les marchés financiers ?
Après deux trimestres consécutifs de baisse, le PIB de la zone Euro s’est apprécié de 0,3 % au cours du 1er trimestre 2024, selon les dernières données disponibles. Cette progression ne s’est pas encore tout à fait calée sur le rythme habituellement observé avant la pandémie, mais ces chiffres constituent toutefois de premières bonnes nouvelles et semblent confirmer que le « pire » du creux conjoncturel est derrière nous. OutreAtlantique, le PIB a crû du même ordre de grandeur, après +0,8 % et +1,2 % lors des deux trimestres précédents (en rythme non annualisé). À première vue, les dynamiques d’activité semblent donc se croiser en ce début d’année. En apparence seulement. Lorsque l’on détricote ces statistiques de croissance, il est primordial d’en extraire les déterminants. Ainsi, aux Etats-Unis, même si elle ralentit de manière séquentielle, la croissance continue d’être tirée par la consommation (dans les services surtout), mais aussi par l’investissement. En zone Euro, il est plus difficile de percevoir de francs signaux s’agissant d’une accélération de la consommation des ménages sur la période. Il convient toutefois de noter que les indicateurs avancés pour le deuxième trimestre semblent militer pour une amélioration sur ce front. La confiance se redresse, de même que le momentum des ventes au détail. La combinaison de plusieurs enquêtes et de données réelles tendent néanmoins à tempérer ce mouvement à court terme.
En dépit d’une réticence à qualifier ces premiers chiffres en zone Euro de forts enthousiasmants, nous continuons d’anticiper la mise en place d’une forme de convergence transatlantique plus franche à partir du 3ème trimestre. Il en découle donc la perspective d’un ralentissement de l’activité aux Etats-Unis et une accélération en zone Euro, guidée notamment par la consommation des ménages et une reprise (très) progressive de l’investissement. Un bémol subsiste toutefois : l’environnement de taux européen et l’action de la BCE, pour laquelle nous anticipons davantage de baisses de taux que le marché. La détérioration de la situation géopolitique représente également un risque de premier plan.
Du côté des marchés financiers, et comme nous l’évoquions déjà le 12 février dernier, plusieurs éléments plaident pour une reconsidération des actions de la zone Euro. Depuis cette date, la décote de valorisation entre les deux marchés s’est légèrement estompée. Les performances ont également été favorables, en relatif, au vieux continent.
Selon nous, l’avènement d’un cycle monétaire décalé entre la BCE et la Fed, tant d’un point de vue du calendrier que dans l’ampleur de la baisse, couplée à ce scénario de convergence transatlantique, continuent de faire pencher la balance vers les actions européennes à court/ moyen terme.
Sur un horizon plus long, notre thèse structurelle d’un nouveau paradigme macroéconomique devrait également favoriser un rééquilibrage entre ces deux parties du monde. Ce changement de régime, que nous avons décidé d’appeler la « Grande Transition » induit des taux d’intérêt et une inflation plus élevés en moyenne comparativement à la décennie précédente. Cette « Grande transition » serait celle vers un mix énergétique plus vert, vers une plus grande régionalisation au détriment de la globalisation, vers une plus forte souveraineté des Etats, vers un accroissement du risque géopolitique, vers de nouvelles possibilités offertes par l’intelligence artificielle…
Dans ce contexte, l’Europe pourrait tirer son épingle du jeu grâce à ses industries intensives en capital physique, ses acteurs dans le domaine des enjeux environnementaux, et plus globalement encore de sa « vieille économie » au destin retrouvé…
Contenu rédigé par Florent Wabont, Économiste