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L’emploi américain souffle le chaud et le froid

Cette semaine a été marquée par de nombreuses publications relatives au marché de l’emploi américain. Offres non pourvues, créations nettes, taux de chômage… Comment faire le tri ?

La publication du rapport JOLTS (Job Openings and Labor Turnover Survey) mardi dernier a fait état d’un « stock » de 9,6 millions d’offres d’emplois non pourvues en août, en hausse par rapport au mois de juillet (8,9 millions) et à ceux d’avant. Le ratio entre cette statistique et le nombre de chômeurs, qui cristallise la tension sur le marché du travail, est quasi inchangé à ~1,50. Il avait atteint 2 offres d’emplois non pourvues pour 1 chômeur en mars 2022, un record historique (hors 2nde guerre mondiale), selon des données reconstituées à l’aide de travaux universitaires.

La société privée ADP (Automatic Data Processing) a ensuite annoncé avoir recensé 89 000 créations d’emplois en septembre, soit une nette baisse en comparaison des mois précédents. En fin de semaine, le rapport NFP (Non Farm Payrolls), qui interroge entreprises et agences gouvernementales, a comptabilisé 336 000 créations nettes d’emplois non agricoles en septembre, dépassant largement les attentes du consensus (+170 000) et les 227 000 comptabilisés en août.

Le taux de chômage, mesuré au travers d’une autre enquête, est quant à lui resté à 3,8 %. Le salaire horaire moyen est ressorti à 4,2 % sur un an (vs 4,3 % en août). Le taux de participation au marché du travail (part de la population en emploi ou au chômage) se situe toujours à 62,8 %, contre 62,3 % en décembre 2022 et 63,3 % juste avant la pandémie.

En première instance, on comprend donc que le marché du travail demeure relativement tendu, que le rythme de création d’emplois est soutenu et que les salaires progressent un peu moins. Toutefois, on comprend également que ces données sont hétérogènes par nature, selon que l’on considère les enquêtes privées, publiques, celles soumises aux entreprises ou aux ménages... Dès lors, quelles conclusions en tirer ?

Indiquons tout d’abord que les publications de septembre sont davantage bruitées, en raison de leur proximité avec la saison estivale.

Ensuite, que ces statistiques sont soumises à d’importantes corrections depuis plusieurs mois. A titre d’exemple, les créations nettes d’emplois non agricoles ont été révisées à la baisse tout au long de l’année, à l’exception notable des mois de juillet et août.

En outre, qu’il est primordial de décortiquer les dynamiques intersectorielles. Ainsi, sur les 336 000 nouveaux emplois comptabilisés par le rapport NFP, les recrutements se sont concentrés dans l’hôtellerie, le secteur public et la restauration. Concernant les offres d’emplois non pourvues, il est de plus en plus courant d’utiliser des indicateurs dits « alternatifs » pour déceler une tendance. En l’occurrence, la série publiée par le site indeed.com montre que les entreprises ont de moins en moins d’offres à pourvoir.

L’enquête soumise aux ménages, qui sert de base de calcul pour le taux de chômage, dépeint quant à elle une situation où les créations d'emplois sont moins nombreuses en septembre. La moyenne du taux de chômage sur les trois derniers mois est par ailleurs en légère hausse, dans le sillage d’une participation plus large de la population au marché du travail.

Dans un article publié par le Financial Times en 2008, Alan Greenspan (président de la Fed de 1987 à 2006) évoque le terme de « discontinuité », pour identifier l’occurrence d’un retournement. Force est de constater, qu’il n’y a, pour le moment, pas de discontinuité au sens de Greenspan dans les données de l’emploi. Les statistiques publiées sont volatiles et l’incertitude persiste. La composition sectorielle des créations de postes suggère malgré tout une situation désormais plus fragile. En outre, l’incidence de la politique monétaire restrictive sur l’économie tarde à se faire ressentir, et les données récentes officielles et alternatives de la consommation des ménages montrent un début d’essoufflement.

Après avoir été dès le début 2023 parmi les plus optimistes concernant l’économie américaine, nous considérons que le risque macroéconomique a augmenté pour la fin d’année et 2024. L’horloge de l’emploi tourne, reste à savoir toutefois quand l’heure de l’inflexion sonnera…

Contenu rédigé par Florent Wabont, économiste chez Ecofi.