Emmanuel Macron, président de la République et candidat à sa réélection.
©LUDOVIC MARIN/ AFP
Politique

Présidentielle : à 10 jours du premier tour, quel bilan climatique pour le gouvernement ? 

L'Etat français a-t-il pris les mesures permettant de respecter les engagements climatiques du pays ? Non, selon les activistes qui espéraient que le délai fixé au gouvernement pour se justifier avant fin mars place l'environnement au centre de la campagne présidentielle... avant d'être douchés par la guerre en Ukraine.      

Saisi par Grande-Synthe, commune du littoral du Nord qui s'estime menacée par la montée du niveau de la mer, le Conseil d'Etat avait donné en juillet neuf mois au gouvernement français pour "prendre toutes mesures utiles" afin de ramener les émissions de gaz à effet de serre, responsables du réchauffement climatique, à un niveau compatible avec les objectifs de la France en la matière, soit une baisse de 40 % d'ici 2030 par rapport à 1990. Le délai tombant à 10 jours du premier tour de la présidentielle, les plaignants (la commune nordiste a été rejointe par quatre ONG ayant porté une autre action dans laquelle l'Etat a été condamné pour son manque de résultats dans l'action climatique, "l'Affaire du siècle") comptaient bien que cette concomitance place la crise climatique au centre du débat électoral.

L'invasion russe de l'Ukraine en a décidé autrement. A quelques jours de l'échéance, le gouvernement n'avait pas transmis de dossier exposant les mesures prises pour respecter l'injonction de la justice. Interrogé par l'AFP, le ministère de la Transition écologique n'avait pas répondu mardi matin, mais le gouvernement n'est pas légalement tenu de justifier de ses actions, le Conseil examinant de son propre chef la situation. Le dossier judiciaire ne connaîtra donc pas a priori de rebondissement jeudi et une fois les actions du gouvernement examinées, le Conseil d'Etat pourra rouvrir l'instruction du dossier et convoquer une nouvelle audience entre les parties. Le tout devrait durer plusieurs mois.

S'il n'y a rien de plus, ils sont complètement dans les choux."

De son côté, Corinne Lepage, avocate de la commune et elle-même ancienne ministre de l'Environnement, entend demander au Conseil de constater la carence de l'Etat et prononcer à son encontre une astreinte financière. "Je suis dubitative" sur la possibilité pour le gouvernement de répondre à l'injonction, dit-elle. D'autant qu'il avait par avance inclus dans son argumentation les effets attendus de la loi "Climat et résilience", adoptée en août. Loi qui porterait "dans le meilleur des cas" la réduction des émissions à... 38 %, souligne l'avocate. Et de résumer : "S'il n'y a rien de plus, ils sont complètement dans les choux".

Condamnation pour "inaction climatique"

A défaut d'imposer le climat dans la campagne, les procédures de Grande-Synthe et de l'Affaire du Siècle auront servi d'angle d'attaque sur le bilan écologique contesté du président sortant Emmanuel Macron. "Il a été condamné deux fois pour inaction climatique", ont lancé tour à tour ses concurrents Yannick Jadot, Anne Hidalgo ou Valérie Pécresse. Une simplification juridiquement fausse, soulignent des juristes, puisque c'est l'Etat "personne morale" qui est en cause et qu'une partie des périodes visées précède l'actuel quinquennat. Le gouvernement n'avait d'ailleurs pas contesté lors de la procédure que les objectifs n'étaient pas tenus, affichant après la décision du Conseil d'Etat "sa détermination à renforcer son action climatique".

Détermination qui risque d'être mise à rude épreuve, puisque les objectifs de la France vont être bientôt relevés, l'Union européenne ayant revu ses engagements à la hausse.

Les ONG de l'Affaire du siècle ont d'ailleurs interrogé les candidats à l'Elysée sur les mesures qu'ils entendent prendre pour "sortir la France de l'illégalité climatique" et doivent prochainement rendre publiques leurs réponses. Le contrôle de la justice n'est pas près de s'arrêter, les procédures étant loin d'être achevées. "La stratégie du droit est là pour durer, pour en faire un outil à portée de tous les citoyens", souligne Justine Ripoll, chargée de campagnes à Notre affaire à tous, une des ONG de l'Affaire du siècle. Dans ce deuxième dossier, la justice a enjoint à l'Etat de "réparer" ses carences d'ici fin 2022.

Avec AFP. 

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