Une solution pour nourrir la planète ou un instrument de la privatisation et de l'appauvrissement du vivant? Les organismes génétiquement modifiés (OGM) se sont développés en agriculture depuis les années 1990, avec pour objectif d'augmenter les rendements grâce à des variétés résistantes aux insectes ravageurs.
Qu'est-ce qu'un OGM?
Un OGM est un organisme vivant (végétal, animal, bactérie) dont le matériel génétique a été modifié.
Grâce à la technique de la transgenèse, on ajoute un ou plusieurs gènes d'une autre espèce dans le génome de l'organisme, pour en modifier les caractéristiques.
En agriculture, contrairement à la technique millénaire de sélection variétale à partir d'espèces parentes ou voisines, la manipulation génétique permet de créer de nouvelles variétés à partir d'espèces totalement différentes.
L'objectif premier est de renforcer la résistance des plantes aux insectes ravageurs et la tolérance à certains herbicides. Du fait du réchauffement climatique, la recherche s'est aussi orientée ces dernières années sur la résistance des cultures au manque d'eau.
C'est par exemple le cas du blé HB4, conçu à partir d'un gène de tournesol résistant à la sécheresse, dont l'Argentine a validé la culture commerciale en 2022 après deux ans d'expérimentation, devenant le premier pays du monde à autoriser la mise sur le marché d'un blé transgénique.
Qui utilise des OGM en agriculture ?
Les quatre plantes OGM les plus cultivées sont le coton, le soja, le maïs et le colza.
Les plus gros producteurs d'OGM sont les Etats-Unis, le Brésil, l'Argentine, le Canada et l'Inde, qui totalisent plus de 90% des surfaces OGM cultivées.
Selon l'ISAAA (International Service for the Acquisition of Agri-biotech Applications), association militant pour l'usage des biotechnologies avec l'objectif de "réduire la pauvreté", les surfaces cultivées d'OGM sont passées de 1,7 million d'hectares en 1996 à près de 190 millions d'hectares en 2019, soit 10% des surfaces totales dans le monde.
Dans ces pays-là, les cultures transgéniques s'imposent massivement: plus de 90% du soja, du coton et du maïs cultivés aux Etats-Unis sont génétiquement modifiés. Au Canada, premier producteur mondial de colza, la quasi-totalité de l'oléagineux cultivé est transgénique.
Dans l'Union européenne, le maïs MON810 de Monsanto résistant aux insectes est le seul OGM autorisé à la culture.
Il n'est cultivé que dans deux pays, en Espagne et au Portugal, sur de faibles surfaces.
En France, la culture à des fins commerciales du maïs MON810 est interdite depuis 2008, après plusieurs arrachages d'essais en plein champ par des militants écologistes et des agriculteurs; la mise en culture de tout maïs OGM est interdite par une loi de 2014.
En revanche, l'UE autorise l'importation de nombreux OGM, essentiellement destinés à l'alimentation animale (tourteaux de soja, maïs fourrage), à l'industrie (agrocarburants, chimie) mais aussi humaine (huiles végétales).
L'opposition aux OGM
De nombreuses associations de défense de l'environnement et des paysans, comme Greenpeace ou les Amis de la Terre, ainsi que des chercheurs et politiques s'opposent aux OGM, arguant qu'on ignore les effets à long terme de ces manipulations génétiques sur l'humain comme sur l'environnement.
Pour Greenpeace, les OGM "menacent la biodiversité et ne remplissent pas les objectifs qui leur sont officiellement assignés: ils existent depuis bientôt trente ans et n'ont pas résolu le problème de la faim dans le monde ni démontré leur valeur ajoutée en matière de rendement".
Pour le groupe écologiste au Parlement européen, les biotechnologies - OGM et nouveaux outils d'édition génomiques comme les NBT (new breeding techniques) qui modifient le génome sans ajout extérieur (mutagenèse) - "privatisent le vivant" au profit de multinationales comme Bayer/Monsanto ou Syngenta, qui déposent des brevets protégeant leurs semences.
Les opposants soulignent enfin que l'utilisation des OGM a dopé la consommation de pesticides, conçus par les mêmes firmes commercialisant les semences OGM tolérantes aux herbicides; favorisé le développement d'une résistance des mauvaises herbes à ces désherbants toxiques pour l'environnement, comme le glyphosate; et accru la dépendance des agricultures utilisant ces semences à un même semencier, qui fournit souvent un package "semences + herbicides".
En décembre, plus de 100 scientifiques et experts ont appelé les dirigeants mondiaux réunis à la Conférence sur la biodiversité de Montréal à interdire la diffusion dans la nature d'organismes modifiés par des biotechnologies, alertant sur les risques de "transfert horizontaux de gènes".
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